Premier lieu commun à déboulonner au plus vite : ce n’est pas parce que c’était « pire avant » qu’il faut s’attendrir dans les luttes contemporaines ! Certes, les conditions économiques et sociales se sont améliorées en un demi-siècle en Occident, mais les mêmes structures et mécanismes d’oppression sont toujours à dépasser. Bref, pour paraphraser Richard Desjardins : « Avant ils nous exploitaient 20 fois ; aujourd’hui ils nous exploitent 10 fois ! » (et exploitent 100 fois : la Chine, l’Afrique, l’Amérique latine…).
Il n’y a pas d’alternatives ?
Une première noirceur à chasser est celle de l’enfermement idéologique. En 1953, comme en 2013, le même argument fataliste revient selon lequel l’ordre social actuel serait de loin le plus équilibré, le plus stable. Cet argument justifie ainsi les hiérarchies et les inégalités de toutes les époques en prétextant que c’est le mieux que peut offrir l’« humanité ». Plus directe, l’ancienne première ministre britannique Margaret Thatcher évoquait cette fabrication du consentement et de l’abnégation en affirmant : « Il n’y a pas d’alternatives ».
Or, des alternatives, nous savons qu’il y en a un paquet. Certaines sont déjà présentes à un niveau plus local ou communautaire, beaucoup sont atrophiées par les cadres économiques, politiques, patriarcaux et légaux. Parfois, il est difficile d’imaginer un autre type de société que la nôtre, mais qui aurait pu imaginer dans les années 1950 que le Québec serait débarrassé d’un système fort, vieux et omniprésent – la religion – en moins de 30 ans? Ne perdons pas espoir... et accélérons plutôt la chute des noirceurs qui nous entourent !
Partis politiques : vampires du pouvoir
D’ailleurs, si la religion a relâché son emprise sur nos vies, c’est tout le contraire des partis politiques ! Ces créatures rampantes assoiffées de votes sont malheureusement encore et toujours au cœur de la vie « démocratique ». Par leur nature même, les partis politiques ont une logique bien précise et distincte : celle de conquérir le pouvoir, et ce, en utilisant tous les moyens possibles, même les plus douteux. Cette obsession pour l’obtention du pouvoir est aussi pernicieuse que la recherche incessante de profits du système capitaliste. Elle oriente et balise les comportements dans certaines directions plutôt que d’autres. Elle réduit du même coup de façon considérable les autres alternatives : démocratie directe, autogestion, coopérativisme, mutualisme, tribunaux populaires…
Les partis politiques forment ainsi la deuxième noirceur à chasser encore aujourd’hui. Un des comportements liés à la démocratie des partis politiques est d’ailleurs aussi présent aujourd’hui qu’à l’époque de Duplessis : c’est celui du culte du chef. Par exemple, nous employons de moins en moins les termes Parti québécois ou Parti conservateur en temps d’élections. On emploie plutôt des expressions comme l’équipe Marois, l’équipe Harper… L’importance démesurée que prennent les chefs ou les porte-paroles conduit à la croyance selon laquelle les succès politiques s’articulent autour de leaders charismatiques plutôt que sur le travail – souvent invisible – d’information et de mobilisation. Leurs succès politiques (ou plutôt électoraux !), les partis les doivent plutôt à la force de leurs machines électorales et à leur marketing politique. Leur travail politique est ainsi peu ou pas dirigé vers l’émancipation et l’autonomie, mais bien davantage vers le contrôle de l’imposant appareil étatique.
Corruption et pouvoir vont si bien ensemble...
Qui dit contrôle du pouvoir dit inévitablement... corruption. Pour les anti-autoritaires, cette équation n’a rien de surprenant, car la corruption est INSÉPARABLE du pouvoir. Elle n’en est pas une dérive ou un abus, mais y est indissociablement liée. On aura beau faire des commissions d’enquête et adopter de nouvelles règlementations pour l’encadrer, la corruption trouvera toujours des moyens – souvent plus discrets – de les contourner.
Il est d’ailleurs ironique de rappeler que la carrière politique de Maurice Duplessis s’est construite par la mise en lumière de la corruption de son prédécesseur, le libéral Louis-Alexandre Taschereau. Son parcours politique s’est ensuite consolidé par la collusion et des machines électorales invincibles, puis s’est achevé avec le scandale de 1958... à propos de profits entourant la vente du réseau public de gaz naturel à des intérêts privés.
Autres temps, autres mœurs, vous dites ? Au-delà des différences qui nous séparent d’un passé encombrant, les ressemblances entre aujourd’hui et les années 1936-1959 nous rappellent qu’il faudra davantage que des révolutions tranquilles pour mettre un terme aux écueils du capitalisme, de l’État et du patriarcat !