La CLAC condamne le cirque judiciaire et la criminalisation de la dissidence
Montréal, le 23 novembre 2011 -- Hier, dans une salle bondée de la Cour provinciale de l’Ontario, le procureur de la Couronne chargé de la poursuite contre le présumé « principal groupe de conspirateurs du G20 » de Toronto a retiré toutes les accusations de complot encore retenues contre 17 organisateurs et organisatrices du sud de l’Ontario et du Québec.
Parmi ceux-ci, un militant de la Convergence des luttes anticapitalistes de Montréal (CLAC), Patrick Cadorette, a vu toutes les accusations portées contre lui retirées par la Couronne après un peu moins de 18 mois passés sous le coup de sévères conditions de libération, dont 11 mois d’assignation à domicile.
Ce développement survient dans le cadre d'une entente relative à un plaidoyer de culpabilité entre la Couronne et la défense. Parmi les 17 personnes accusées de complot, six plaident coupable d’avoir « conseillé » la commission d’une infraction, alors que les 11 autres voient l’ensemble des accusations portées contre elles retirées.
« Le public a beaucoup entendu parler de la brutalité policière et du grand nombre d'arrestations au Sommet du G20 », avance Patrick Cadorette, « mais la répression va beaucoup plus loin que les images de policiers enragés tapant sur des manifestants. On constate la mise en place d'une stratégie complexe visant à criminaliser la dissidence politique et l'organisation anticapitaliste. Ça commence avec l'infiltration policière et la surveillance des mouvements, puis l'intimidation et le harcèlement des militants et militantes, jusqu'aux centaines de fouilles illégales et les détentions arbitriaires au sommet même. Mais le système judiciaire et pénal joue également un rôle déterminant dans la stratégie de criminalisation. Les conditions de libération draconiennes, comme la non-association rigide avec certains groupes militants, l'assignation à domicile prolongée et l'interdiction complète de participer à des manifestations publiques, tout ça vise directement à affaiblir les mouvements qui luttent pour la justice sociale et environnementale et à effrayer les personnes qui s'identifient à ces mouvements et seraient tentées de s'y joindre. Ajouter à ça le recours à des accusations criminelles graves contre les organisateurs, des montants de caution exorbitants, la diffamation publique, des audiences de remise en liberté marquée par l'hystérie collective, et vous avez tous les éléments d'un plan perfectionné pour diaboliser et criminaliser l'engagement militant. »
Le Sommet du G20, qui s’est tenu à Toronto les 26 et 27 juin 2010, a été le théâtre d’arrestations massives sans précédent au Canada, avec 1105 arrestations, plus de 300 accusations et un nombre incalculable d’incidents de brutalité policière et de violations arbitraires des droits fondamentaux. Des 330 personnes accusées, pas moins de 198 ont vu leurs accusations suspendues, retirées ou rejetées.
Selon la Ligue des droits et libertés, « [l]a preuve que ces arrestations étaient purement préventives, arbitraires et illégales est que, sur les 1105 personnes arrêtées, 800 ont été relâchées sans aucune accusation, que les accusations ont été retirées dans quelque 150 dossiers […] et que des arrêts de procédure ont été ordonnés dans plusieurs cas. […] En réalité, entre 3,6 % et 9 % des personnes arrêtées à Toronto les 26 et 27 juin 2010 ont fait l’objet d’accusations, ce qui indique clairement que les arrestations n’étaient pas justifiées par la commission d’une infraction, mais visaient plutôt l’objectif d’empêcher ces gens de participer aux manifestations futures. »
Le nombre inouï d'accusations de complot déposées contre les militants et militantes est aussi alarmant. Selon Blandine Juchs, du comité de soutien juridique de la CLAC, « Le recours aux accusations de complot est stratégique. La couronne dépose initialement des accusations grossièrement exagérées pour se donner une marge de manœuvre et soutirer par la suite des plaidoyers de culpabilité pour des infractions considérées moins graves. Mais l'accusation d'avoir "conseillé" une infraction participe elle aussi à la criminalisation ; on criminalise la simple expression d'opinions politiques dans le cadre de mobilisations populaires ! »
Environ 20 000 policiers ont été déployés à Toronto lors du Sommet du G20. Sur un budget total de 930 millions, 790 millions (85 % des dépenses) ont été réservés à la sécurité, la part du lion revenant à la GRC, selon le Rapport du Comité permanent de la sécurité publique sur les sommets du G20 et du G8 . En dépit des condamnations publiques qui se sont multipliées depuis un an et demi (notamment de la part de l'Ombudsman de l'Ontario ), toutes les polices impliquées s'en sont tirées dans l'impunité la plus complète et les responsables politiques du fiasco sécuritaire sont toujours restés dans l'ombre.
« C'est une vraie mascarade », conclut Cadorette, « une grosse farce qui coûte très cher ! Et pourquoi? Qui peut dire aujourd'hui à quoi aura servi le sommet de Toronto ? Pour nous, une chose est claire, les sommets du G20, l'institution elle-même et ses soi-disant leaders sont complètement illégitimes. Au moment où les révoltes se multiplient un peu partout sur la planète contre la tyranie du marché, les diktats d'austérité, les inégalités économiques et la destruction de l'environnement, les riches et leurs larbins dans les gouvernements savent très bien que leur temps est compté. Ils chient dans leurs culottes. Et c'est pour ça qu'ils dépensent des centaines de millions de dollars pour dresser des barrières et placer des milliers de flics armés entre eux et la colère du peuple. En fin de compte, l'histoire va se souvenir de nous comme de celles et ceux qui ont essayé d'arrêter le seul vrai complot criminel qu'il y a eu à Toronto en juin 2010 : celui de la gang d'hostie de crosseurs du G20. »
Consultez la déclaration commune des « 17 » ici : http://conspiretoresist.wordpress.com/
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