Les quartiers des centres urbains sont en pleine transformation. Après le grand exode vers la banlieue de l’après-guerre, les capitalistes visent maintenant à maximiser le profit qu’ils peuvent tirer dans les anciens quartiers ouvriers. C’est ce qu’on a coutume d’appeler la gentrification. Elle entraîne des conséquences qui changent les quartiers dans lesquels elle a lieu en biens de consommation. Souvent, les entrepreneurs et les promoteurs qui la font vendent leur œuvre de bienveillance, de «revitalisation» d’un quartier. Mais les quartiers pauvres qui ont été laissés à l’abandon, victimes d’une logique de profits à tout prix (fermetures d’usine, etc) sont les mêmes qui sont aujourd’hui attaqués par une véritable offensive marketing. Si les pouvoirs publics réinvestissent le territoire et font des «beaux» parcs, rénovent les artères commerciales moribondes, ce n’est pas pour améliorer la vie des résidentEs actuelLEs, mais dans le but avoué de vendre le vieux-nouveau quartier à de nouveaux résidents. Non seulement la gentrification n’est pas faite pour les habitantEs d’un quartier, mais elle se fait contre eux et elles.
La gentrification, c’est la police.
Que ce soit par le discours de la revitalisation ou par celui de la mixité sociale, on justifie la transformation d’un quartier pour le rendre aguichant à de jeunes professionnels à hauts revenus et au mode de vie urbain-branché. On cherche ainsi à faire un vaste nettoyage social, à embellir l’image du quartier et à «sécuriser» les espaces publics pour en favoriser l’utilisation par les nouveaux occupants avec des revenus plus élevés. Exit les travailleuses du sexe, les junkies et touTEs les autres, comme si eux et elles ne sont pas aussi des résidentEs. Pour ce faire, la police est toujours prête à leur prêter main-forte, que ce soit pour expulser des habitantEs qui ne peuvent plus payer leurs loyers devenus trop chers, pour repousser le travail du sexe loin des yeux des bobos offusqués ou pour poursuivre les gens qui en ont marre et qui passent à l’action.
La gentrification, c’est les condos.
Les promoteurs qui construisent les condos en carton qui poussent comme de la mauvaise herbe essaient par tous les moyens de déroger aux lois qui les forcent à construire 15 % de logements sociaux et 15 % de logements abordables dans les nouveaux développements de plus de 100 unités. C’est ce qui s’est passé avec les constructions autour de la place Valois où les promoteurs ont segmenté le projet pour éviter de respecter le règlement. Sur ça, les élus passent l’éponge. La gentrification, c’est les pouvoirs publics et les promoteurs qui marchent main dans la main. Le prix des immeubles et les taxes municipales augmentent de façon exponentielle, par une vaste entreprise de spéculation immobilière.
La gentrification c'est les condos et les commerces qui prennent leurs habitants comme clientèle. Restaurants trendy, bars à la mode, vêtements de marque, meubles design et produits «écoresponsables» inabordables amènent tous dans le quartier une atmosphère de bon chic, bon genre qui pue au nez. On se sent de plus en plus dans un monde de yuppies en recherche d’originalité de mauvais goût. Tout cela participe à créer une acceptabilité dans le quartier, qui devient de plus en plus attirant pour ces raclures.
La gentrification, c’est du marketing artistique.
La SDC (Société de développement commerciale) et autres apôtres de la gentrification nous parlent d’authenticité et de créativité à Hochelaga comme nouvelle identité du quartier. Mais de quelle créativité et de quelle authenticité est-il question ? Celle qui vend bien des condos, qui fait bien paraître, qui amène des consommateurs de l’extérieur, bref, celle qui est une marchandise. Ils nous parlent de créativité, mais expulsent les artistes révoltéEs des lofts Moreau, qui se sont fait évincer en 2013 au profit d’artistes beaucoup plus présentables et surtout de leur propriétaire. Ils nous parlent d’authenticité et folklorisent l’«histoire ouvrière», mais visent à détruire tout ce qui la représente encore. Tout ce qui est dans les faits créatif et authentique dans Hochelaga est menacé.
La gentrification, c’est politique.
Face aux critiques de plus en plus virulentes et aux actions de sabotage des dernières années, les éluEs ont maintenant convoqué des «Assises sur la gentrification et la mixité sociale», espérant trouver une manière plus sympathique de démolir ce qu’il reste d’Hochelaga. Tous les acteurs du quartier sont conviés à une grande rencontre où les conclusions sont déjà écrites. Cette mise en scène de consultation ne vise au final qu’à présenter le processus de gentrification comme naturel et inévitable. Mais nous serons présentEs pour leur faire comprendre qu’il existe des alternatives.
En s’opposant à la gentrification, la mise sur pied de projets autogérés et radicaux pourrait nous amener à une véritable autonomie, ainsi qu’à une remise en question du capitalisme dans son ensemble ! Du même souffle, il faut s’opposer à toute forme de mise en marché de nos territoires et de nos communautés. La gentrification est un processus inhérent au capitalisme et la revitalisation dont ils parlent passe d’abord par la mise à mort des potentiels anticapitalistes. Dans ces conditions, la seule solution, c’est la lutte.