[ Version originale: http://www.warriorpublications.com/?q=node/112 ]
21 mai 2010
Territoire Coast Salish occupé
[Vancouver, Canada]
L'attentat à la bombe incendiaire du 18 mai 2010 contre une succursale de la Banque royale du Canada à Ottawa était une action clairement anticapitaliste et anticolonialiste. Cette action a provoqué de fortes réactions partout au pays et éveillé la colère de l'État. Autant comme acte de sabotage que comme acte de propagande, cette attaque est une réussite : la banque a été presque entièrement détruite et le fait que la RBC finance les sables bitumineux a été rappelé une nouvelle fois à l'attention du public.
L'attaque semble avoir été menée par des militants non autochtones agissant en partie en solidarité avec les peuples autochtones de C.-B., dans la foulée des Jeux olympiques de 2010, et du nord de l'Alberta, alors que l'exploitation des sables bitumineux suit son cours. Ces deux projets coloniaux sont financés directement par la RBC.
L'action et le communiqués du FCCC parlent d'eux-mêmes. Dans les jours qui ont suivi l'attaque, certains personnages (en plus du gouvernement, des capitalistes et des flics) ont saisi l'occasion de s'exprimer publiquement, non pas contre la RBC ou le génocide des peuples autochtones, mais contre ceux ou celles qui ont mené l'action.
Certains on carrément invoqué la lutte des peuples autochtones pour condamner l'attaque. Certains réformistes et bureaucrates autochtones ont tenté de s'imposer en sorte de leaders des peuples et de la résistance autochtones. Un certain 'acteuriviste' a déclaré que pour soutenir la lutte contre les sables bitumineux, il est nécessaire de respecter le « leadership » de ceux et celles qui se trouvent sur la ligne de front, y compris le principe de non violence (même si la seule ligne de front que cette personne connaisse est le comptoir d'enregistrement à l'aéroport). Je connaît personnellement des frères et sœurs Dene de Fort McMurray qui se sont réjouiEs d'apprendre qu'une succursale de la RBC avait été la cible d'une bombe incendiaire dans le cadre d'une action de solidarité anticoloniale. Ce sont de vraies personnes, de chair et de sang : elles ont vu, et voient toujours, des membres de leurs familles mourir du cancer, leurs terres et leurs sources d'eau polluées et intoxiquées, leur mode de vie traditionnel détruit par l'exploitation des sables bitumineux, exploitation financée par la RBC.
Ce n'est pas tous les Dene, ou personnes autochtones, qui sont d'accord avec cette attentat. Ni tous les 'acteurivistes'. Mais cela dit, tout le monde n'est pas non plus d'accord avec l'idée de voyager partout à grands frais pour participer à des conférences et des rassemblements. Ou de marcher en rond avec des pancartes de pacotille. Et pourtant, nous savons, ou nous devrions savoir, que chacune de ces activités est nécessaire, à l'occasion, pour interpeller la conscience des gens, encourager la solidarité et l'action et progresser vers nos objectifs. C'est la raison pour laquelle le principe du respect pour la diversité des tactiques est mis de l'avant.
Il est ironique que 20 ans après la « Crise d'Oka », alors que des guerriers se sont armés pour confronter des soldats canadiens dans les communautés Kanienkehaka de Kanehsatake et Kahnawake, des défenseurs autochtones essaient maintenant d'imposer des codes de non violence. Nos peuples sont en résistance contre la colonisation depuis plus de 500 ans, avec une diversité de tactiques, y compris la résistance armée, les blocus, les occupations, les manifestations, les revendications territoriales, etc. Beaucoup y ont laissé leur vie et encore plus ont été blesséEs, de la propriété a été altérée ou détruite, etc. Mais le colonialisme est, lui, violent dans son essence.
Les peuples autochtones du Canada ont connu plusieurs formes de violence. Le suicide, la drogue et l'alcool, la maladie, l'eau empoisonnée, les prisons, la brutalité policière, des milliers de femmes autochtones disparues ou assassinées. Ce ne sont pas là les conséquences de la résistance anticolonialiste, mais bien du génocide colonial. Et pourtant, le Canada et les sociétés privées impliquées dans la destruction de la terre et de la vie ne sont jamais décrites comme violentes. Il 'y a jamais que lors des attaques militantes contre ces dernières que survient un jugement moralisateur contre la violence.
Soutenir la violence institutionnelle du colonialisme, ou l'État et son monopole de la violence, tout en condamnant la violence de ceux et celles qui résistent, cela n'est rien de moins que de l'hypocrisie.
Oui, il y a de la violence dans la résistance, il y a aussi de l'amour et de la joie, il y a des peines, de l'amertume et de la colère, mais il y a aussi de l'espoir et de la passion. C'est un peu comme la vie, non ? Et ceux et celles qui risquent leur liberté dans cette lutte pour la vie et la mort doivent être respectés pour leur dévouement, et non condamnés.