Toutefois, le 1er mai syndical au Québec, à l'image de la culture syndicale elle-même, perd de plus en plus son caractère revendicateur et subversif au fil des ans, pour ne devenir, dans les années 2000, qu’une triste parade symbolique vidée de sa vigueur et de son histoire radicale.
Depuis 2008, une coalition informelle d’individus et de collectifs a fièrement repris la tradition anticapitaliste originale du 1er mai en organisant chaque année à Montréal une manifestation autonome, séparée de la pitoyable parade syndicale (qui, depuis quelques années, n'était même plus organisée le 1er mai, mais quelques jours avant ou après afin d'accommoder le calendrier capitaliste!). La manifestation anticapitaliste du 1er mai est organisée depuis 2010 sous la bannière de la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC-Montréal).
Pour plus de détails sur l'origine du 1er mai, voir Pourquoi nous prenons la rue le 1er mai.
Tract présentant un court survol de l'histoire du 1er mai et du règlement municipal P-6 : Fichier PDF sur feuille 8-1/2"x14".
Avant 2004Pendant longtemps, les groupes d'extrême gauche de Montréal se sont ralliés chaque année à la manifestation syndicale. Puisque le 1er mai au Québec n'est ni férié, ni chômé, ni l'objet de grèves « légales » ou « illégales », ces manifestations étaient (et sont toujours) des affaires modestes organisées après la journée de travail lorsque le 1er tombait une journée de semaine, et des rassemblements plus volumineux, voire nationaux, lorsque le 1er tombait un jour de weekend. |
2004En 2004, le 1er mai tombant un samedi, le conseil intersyndical du 1er mai décide d'organiser une grande manifestation syndicale à Montréal sur le thème de la résistance à la prétendue réingénérie de l'État promise par le premier gouvernement de Jean Charest. Le caractère massif de cette manifestation nationale en retardant le départ, après une période d'attente raisonnable, l'idée commence à circuler parmi les groupes anticapitalistes de profiter de leur position en queue de cortège pour partir de façon autonome par une autre voie que l'itinéraire déterminé par les organisateurs syndicaux. C'est ainsi, avant même que les contingents syndicaux ne se mettent en branle, qu'environ deux cents anticapitalistes s'engagent sur la rue Jarry vers l'ouest en direction du parc du même nom, le point d'arrivée choisi pour la grande manifestation syndicale. À l'arrivée des contingents anticapitalistes au Parc Jarry, ceux-ci sont bloqués par l'interminable déferlement de la manifestation principale, et décident d'occuper la rue au lieu de se joindre à l'insignifiant BBQ syndical. Une barrière de fortune est érigée et un petit feu de joie allumé sur le terre-plein. C'est alors qu'un peloton de l'anti-émeute décide d'intervenir en chargeant le contingent anticapitaliste, mais son opération s'avère mal calculée, puisque ce dernier se retrouve dans la foule non violente en partie constituée de familles. L'anti-émeute se trouve alors l'objet d'une importante résistance et doit battre en retraite. C'est à ce moment qu'intervient le service d'ordre de la FTQ... pour protéger le peloton d'anti-émeute et rudoyer les manifestants et manifestantes anticapitalistes! Cet incident peu glorieux marqua l'esprit de plusieurs comme une trahison. C'était les premiers signes d'un divorce à venir entre les anticapitalistes et la manifestation syndicale du 1er mai. Voici un extrait d'un article paru le 2 mai 2004 dans le journal du Parti communiste révolutionnaire (PCR):
Article complet: http://archives-2001-2012.cmaq.net/fr/node/16636.html |
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2005Une autre manifestation nationale est organisée par les syndicats le dimanche 1er mai 2005. Cette fois-ci, la CLAC (originale), en plus d'appeler à la formation d'un contingent libertaire dans la manifestation syndicale, décide d'organiser une manifestation et une fête populaire contre la pauvreté et la précarité, le 30 avril, dans le quartier Côte-des-Neiges. Ces activités s'inscrivent dans le cadre de la première édition du festival Mayworks/Mai à l’œuvre, « un Festival de l'art et de la lutte ouvrière mettant en avant les réalités des ouvriers et ouvrières immigrants qui composent 45% de la population montréalaise mais qui se voient souvent relégués aux derniers rangs du marché de travail parce que les institutions canadiennes refusent de reconnaître leurs qualifications, professions et aptitudes ». Cette journée s'avère une franche réussite. Quant à la manifestation traditionnelle du 1er mai, la participation est cette année fort décevante pour les organisations syndicales, qui ne réussissent à mobiliser que 5000 personnes, tandis que les contingents anticapitalistes gagnent en vigueur. Comme l'année précédente, les contingents libertaire et communiste révolutionnaire rongent leur frein au point de ralliement et attendent que le cortège principal se mette en branle pour prendre leur place traditionnelle en queue de train. La manifestation syndicale part de la rue McGill College et prend la rue Sainte-Catherine vers l'est, pour ensuite descendre la rue Saint-Denis jusqu'au bar le Medley, où un spectacle est organisé à l'intention des syndiquéEs. En cours de chemin, une altercation survient entre des membres du service d'ordre et des manifestants qui portaient des pancartes critiquant le caractère capitaliste de la FTQ. C'est le prétexte qu'attendait le SPVM pour intervenir. Une nouvelle opération bâclée de l'anti-émeute et une longue échauffourée sur la rue Saint-Denis se soldent par quelques arrestations. En tout état de cause, le service d'ordre de la marche syndicale s'est une fois de plus fait complice de la répression policière, et aucun des conseils centraux des grands syndicats n'ont cru bon de dénoncer la répression qui s'est abattue sur les manifestants et manifestantes anticapitalistes tout juste à l'extérieur du bar douillet où leurs membres sirotaient des bières en compagnie de Loco Locass. De l'avis de plusieurs, cette manifestation était une vraie joke, confortant l'idée que les manifestations syndicales n'avaient plus rien d'intéressant pour les groupes radicaux. Cette impression serait une fois pour toutes confirmée l'année suivante. |
2006Cette année les syndicats fêtent le 1er mai... le 29 avril! La dérive historique des grandes centrales ne semble plus avoir de limites. Pour l'occasion, les anticapitalistes boycottent ou refusent tout simplement de participer à la manifestation syndicale et appellent à la formation de contingents autonomes. L'appel du collectif libertaire Anarkhia sera largement ignoré, tandis que celui du Parti communiste révolutionnaire à manifester de façon autonome dans le quartier immigrant de Parc Extension ne sera entendu que par ses propres militants et militantes. Par l'affligeante attitude des syndicats québécois et l'incapacité des groupes anticapitalistes à maintenir une mobilisation digne de ce nom, 2006 constitue un épisode sombre dans l'histoire du 1er mai à Montréal. D'autant plus, ironiquement, que cette date marquait le centième anniversaire de la première manifestation du 1er mai au Québec... |
20072007 est la dernière année avant le divorce définitif entre la manifestation syndicale et les groupes anticapitalistes. Déjà, les signes de rupture sont indéniables. Alors que le rassemblement syndical est convoqué à 18h dans Plateau Mont-Royal, plusieurs actions autonomes ont déjà ponctué la journée. Sur l'heure du midi, des anarchistes parviennent à occuper le bureau d'Henri Massé, le président de la FTQ. Ils et elles en sont violemment chasséEs peu après par par des goons du syndicat, qui doivent recourir à une scie mécanique pour décâlisser la porte du bureau de Massé!
À 16h, au centre-ville, le Comité des sans-emploi Mtl-centre appelle à une «manif-action contre le capitalisme». Les manifestant-e-s surgissent dans l'édifice où se trouve le bureau de Jean Charest et réussissent à en sortir plusieurs meubles sur le trottoir!
Quant à la manifestation syndicale, compte tenu des événements de la journée, la tension est naturellement élevée entre le comité d'organisation et les groupes radicaux. Tout se passe sans incidents malgré tout. Après la manif officielle, le contingent du PCR se rend devant un bâtiment de l'armée canadienne pour «dénoncer la guerre que l'impérialisme canadien poursuit en Afghanistan». Mais le torchon brûle plus que jamais entre l’institution syndicale et le mouvement anticapitaliste. Même la NEFAC (la Fédération des communistes libertaires du Nord-Est), habituellement portée à se solidariser coûte que coûte avec l'action syndicale, critique la complaisance des centrales. |
2008À nouveau, la Coalition syndicale du 1ermai fait honte à la tradition en lançant un appel à manifester le 3 mai! C'est la goutte qui fait déborder le vase. À l'initiative du Comité des sans-emploi Mtl-centre, une coalition de groupes anticapitalistes appelle enfin à l'organisation d'une manifestation du 1er mai autonome à Montréal. L'appel est endossé par une vingtaine de groupes sociaux et politiques. Le point de départ est la Place Valois, dans le quartier traditionnellement populaire et ouvrier d'Hochelaga-Maisonneuve. Après plusieurs discours animés, le cortège se met en branle sur la rue Ontario vers l'est. Tout se déroule bien jusqu'à ce que l'anti-émeute du SPVM intervienne brutalement, sans raison apparente, pour la dissoudre. Le SPVM justifie initialement son intervention par la crainte de voir la manifestation tenter de bloquer le pont Jacques-Cartier, pour ensuite prétexter avoir dû intervenir en raison d'un incident isolé en marge de la manifestation, soit une bagarre entre skinheads racistes et militants antifa. Lors de la manœuvre de dispersion, les agents de l'anti-émeute agressent plusieurs manifestants et manifestantes, comme en témoigne cette vidéo: Voici un album photo de la manifestation: https://www.flickr.com/photos/camarade/sets/72157604852196699/ Évidemment, les syndicats ne font aucun cas de ces incidents et ignorent totalement la tenue de la manifestation anticapitaliste autonome. |
2009Échaudés par les événements de l'année précédente, les mêmes groupes appellent à «refaire un 1er mai véritablement anticapitaliste». La manifestation part cette fois du Square Cabot, dans l'ouest du centre-ville, pour se rendre au siège de la Caisse de dépôt et placement, au cœur du district financier de Montréal. La manifestation se déroule sans incidents, malgré la forte présence policière, et s'arrête finalement au Square Victoria devant la tour de la bourse. Plusieurs critiquent d'ailleurs le manque de combativité de la manifestation si près du but. D'autres estiment avoir évité un piège tendu par le SPVM. |
2010La manifestation du 1er mai 2010 s'inscrit dans la campagne de mobilisation contre les sommets du G8 et du G20, qui doivent se tenir en Ontario en juin. Pour l'occasion, la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) se refonde sur les cendres de la CLAC originale, dissoute en 2006. C'est depuis sous la bannière de la CLAC-Montréal que les manifestations anticapitalistes autonomes du 1er mai sont organisées. Le SPVM est présent en masse au point de départ de la manifestation, au Carré Saint-Louis, ce qui donne lieu à des altercations. Le reste de la manif se déroule somme toute bien et le cortège réussit, après quelques arrêts en cours de route et un banner drop au club privé Mont-Royal, sur Sherbrooke, à se rendre à son objectif, soit le bureau de Jean Charest sur McGill College. |
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2011De nouveau à l'appel de la CLAC, une manifestation anticapitaliste autonome est organisée. Plus d'un millier de personnes répondent à l'appel et se réunissent vers 15h à la place Émilie-Gamelin pour se diriger vers l'ouest de la ville en vue d'atteindre le bureau du Parti conservateur du Canada à Westmount. Chose inédite cette année, la formation d'un Baby Bloc à l'appel du collectif La Pointe libertaire. Le Baby Bloc est d'ailleurs rapidement détaché du reste de la manifestation par une brusque intervention de l'anti-émeute suite à une opération douteuse d'un peloton d'agents de quartier (ou poussins, pour les intimes). Ces derniers tentent de s'introduire dans la foule compacte pour saisir un militant du PCR, opération accueillie par une forte résistance. Cette confrontation marque le début de la fin de la manifestation, qui ne parviendra pas à se rendre jusqu'à son objectif. Voici quelques extraits des rapports de police rédigés suite à cet incident, publié dans le journal de la CLAC, Coup pour coup, au printemps 2012:
En juin de la même année, le SPVM arrêtera quatre militants et militantes du PCR relativement à cet incident. C'est dans ce cadre que le public sera informé de l'existence d'une escouade politique au sein de la division du crime organisé du SPVM, soit l'Escouade GAMMA (Guet des activités et des mouvements marginaux et anarchistes). Cette escouade a depuis été dissoute ou, plus probablement, réaffectée et renommée au sein de l'organigramme opérationnel du SPVM. |
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2012Dans le cadre de la grève historique menée par le mouvement étudiant, la manifestation anticapitaliste autonome du 1er mai s'avère la plus grosse à ce jour. Plus de 4000 personnes, dont un grand nombre d'étudiantes et étudiants, répondent à l'appel de la CLAC et se réunissent au Champ-de-Mars, derrière l'Hôtel de ville de Montréal, le lieu de ralliement de plusieurs manifs du 1er mai à partir de 1907. Un appel à la formation d'un contingent anarchiste circule dans les milieux militants et les médias sociaux. Après plusieurs discours, la manifestation se met en branle vers le centre-ville. À la hauteur de Sainte-Catherine, sur la rue University, une arrestation à l'arrache effectuée par le SPVM déclenche une forte résistance de la part d'un imposant Black Bloc. La confrontation se prolonge pendant plusieurs minutes et la charge est sonnée contre l'ensemble de la manifestation. Un jeu de chassé-croisé se poursuit alors au centre-ville pendant plusieurs heures, jusqu'à la désormais traditionnelle «manif de soir» du mouvement de grève. Plusieurs manifestants et manifestantes sont grièvement blesséEs lors de l'intervention du SPVM. |
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2013Cette année, la manifestation anticapitaliste doit composer avec les amendements musclés apportés au règlement municipal P6 dans la foulée de la grève étudiante de 2012. En avril, la CLAC fait circuler une Déclaration de principes contre P-6. Plus de 80 organismes signataires déclarent:
Au printemps, la CLAC publie un autre journal pour le 1er mai, le Coup de bélier. Cette édition met l'accent sur les liens systémiques entre le monde de la politique, des entrepreneurs véreux et du crime organisé. Ces liens sont symbolisés par le Club 357C, situé dans le Vieux-Montréal, où de nombreuses rencontres privées ont eu lieu depuis plusieurs années entre divers crosseurs notoires issus de ces différents milieux. Ce sera la cible de la manifestation du 1er mai 2013. Le comité d'éducation populaire de la CLAC organise en avril un teach-in anticapitaliste sur le thème du travail et du 1er mai. Malgré le contexte hostile et la répression policière annoncée, la CLAC et ses alliéEs appellent à défier le règlement P-6 le 1er mai et à manifester dans le vieux Montréal. Des contingents autonomes de quartier partent du sud-ouest et du centre-sud pour rejoindre le point de ralliement principal à la Place Jacques-Cartier, littéralement dans l'ombre de l'hôtel de ville. De 800 à 1000 personnes répondent à l'appel. Le SPVM tente dès le départ un coup fourré contre la manifestation. Au lieu d'avoir l'effet de dispersion escompté, cette intervention provoque la foule et dégénère en échauffourée prolongée. Après plusieurs minutes de ce cirque, la manifestation parvient à démarrer et descend la Place Jacques-Cartier et tourne sur de la Commune en direction du Club 357C. À la hauteur de la Place D'Youville, à une centaine de mètres de l'objectif de la manif, l'anti-émeute intervient de toutes part et immobilise les 447 personnes qui n'ont pas réussi à se soustraire à la souricière. À l'issue d'un long processus exagérément laborieux et manifestement conçu pour intimider les manifestants et manifestantes (c'est-à-dire les dissuader de participer à ce genre de manifestations), ces dernierEs se verront remettre un constat d'infraction de 638$ pour avoir participé à un attroupement illégal (P-6, article 2) ou avoir participé à un attroupement dont l'itinéraire n'a pas été communiqué au service de police (P-6, article 2.1). Malgré tout, la CLAC se réjouit d'avoir pu prendre la rue et fait valoir son message avec force. La contestation juridique des mesures de répression, y compris la constitutionnalité du règlement P-6, sont toujours en cours. |
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2014 |
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2015C'est pas juste l'austérité qu'il faut combattre, c'est le capitalisme qu'on doit abattre! |
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20162 points de départs étaient organisés, au square Philips et à l'université McGill. Un contingent du nord à fait un détour pour rejoindre le contingent de l'Est, qui a finalement rejoint le Square Philips. Le contingent du sud ouest a quant à lui rejoint la manifestation qui partait du métro McGill. Les deux groupes se sont rejoint devant KPMG. La manifestation une fois réunie s'est dirigée vers l'ouest sur Ste-Catherine jusqu'au poste de Quartier, où elle fut violemment dispersée. Par la suite, les manifestant-e-s avaient prévu de nombreux points de ralliement à travers le centre-ville à différents moments, sur lesquels la police avait été largement déployées, coupant court aux festivités. |
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