Le PQ : plus ça change plus c'est pareil !
Le Parti québécois revient au pouvoir pour une troisième fois et nous ramène les mêmes horreurs : capitalisme nationaliste, copinage avec le patronat et surtout mensonges, trahisons, coups fourrés et mesures antisociales ! Sous un vernis pseudo-progressiste, le PQ de Marois-la-millionnaire impose la même logique que ses précédentes incarnations : favoriser le Québec inc., plaire aux marchés et appauvrir la population québécoise. En plus, il continue à nous faire chier avec ses vieilles rengaines complètement dépassées sur la souveraineté.
Consultez le CV complet de Pauline Marois, ostie de crosseure... OSTIE DE CAPITALISTE!
Ou lisez ci-dessous:
- De compromis en reculs en trahisons : un bref historique du PQ
- L'économie sociale : le capitalisme communautaire
- Les portes tournantes : l’avant et l’après des ostie de crosseurs péquistes
De compromis en reculs en trahisons : un bref historique du PQ
Le Parti québécois fut fondé en 1968 par la fusion de deux mouvements, soit le Mouvement souveraineté-association (MSA) de René Lévesque et le Ralliement national (RN) de Gilles Grégoire. Le MSA est composé d'ex-libéraux provinciaux et le RN est principalement constitué d'ex-créditistes (mouvement populiste de droite issu des années 1930). Leur crédo commun est l'indépendance du Québec, tandis qu'au niveau social et économique leurs orientations se situent plutôt au centre-droit. L'autre mouvement indépendantiste, le Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN), est exclu de la fusion par René Lévesque qui juge le RIN trop radical, autant en ce qui a trait à ses idées dites socialistes et ses positions sur l'indépendance qu'à ses manifestations confrontationnelles. Finalement, le RIN se dissout et ses membres investissent le PQ. L'autoritarisme de Lévesque, pourtant décrit historiquement comme un « grand démocrate », se manifestera à plusieurs reprises dans les années qui suivent.
Dès le départ, le PQ est une coalition souverainiste gauche-droite et cette dynamique traversera le parti tout au long de son histoire. Par exemple, étant nationaliste, il prône à la fois l'interventionnisme de l'État dans l'économie et la création d'une élite financière québécoise. Dans les années 1970, son orientation penchera toutefois vers la gauche en raison de la forte présence de militants et militantes syndicaux et populaires dans ses rangs et de la jonction idéologique entre réformisme économique et indépendantisme. Dans son programme de 1970, le PQ prône tout autant l'égalité salariale entre les hommes et les femmes, l'accès au syndicalisme pour tous et toutes, l'instauration du scrutin proportionnel que le retrait de l'OTAN ! Les performances mitigées aux élections de 1970 et de 1973 ravivent les tensions entre la droite et la gauche tout comme celles entre l'aile indépendantiste et l'aile « attentiste » : les « sociaux » gagnent leur bataille en forçant le PQ à se rapprocher des luttes populaires qui se radicalisent tandis que les « technocrates » gagnent la leur en imposant l'étapisme au niveau de l'accession à l'indépendance, mantra de l'agent double Claude Morin.
Le 15 novembre 1976, le PQ chasse du pouvoir le Parti libéral (PLQ) corrompu et patronal de Robert Bourassa et entame son premier mandat, qui sera considéré historiquement comme un grand rattrapage social, économique et politique. Quelques réformes majeures sont alors établies, telles que l'instauration du zonage agricole, le régime d'assurance-automobile, la reconnaissance des droits des personnes handicapées, la loi anti-briseurs de grève ou la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. Ces changements reflètent-ils une volonté réelle de progrès social, ou bien faut-il en conclure que le PQ était au bon endroit au bon moment ? La question tient toujours... De toute manière, la lune de miel sera de courte durée !
Le PQ parti patronal
En 1976, le PQ compte plus de 100 000 membres. Au congrès de 1977, ceux-ci déchantent rapidement : Lévesque affirme que le gouvernement péquiste n'est pas lié par les propositions adoptées... L'obsession du « bon gouvernement » devient le leitmotiv de cette nouvelle classe de carriéristes qui cherche à plaire aux marchés financiers et à l'élite politique nord-américaine.
Très rapidement, le PQ abandonnera tout autant sa volonté de faire l'indépendance que celle de réformer sérieusement la société québécoise. Pire, il se mettra à dos ses alliés naturels que sont les employéEs de l'État. Toujours en 1977, le gouvernement péquiste convoque un premier sommet économique (tiens donc !) pour favoriser la concertation entre l'État, le patronat et les syndicats. Il met sur pied la commission Martin-Bouchard qui consacre le double rôle de l'État employeur-législateur. En 1979, le ministre des Finances et négociateur gouvernemental Jacques Parizeau bénéficie de la loi 62 pour briser le front commun syndical. Il faut noter que cette loi spéciale est inusitée en ce sens qu'elle est préventive : elle est votée alors que la grève n'est pas encore commencée ! À quelques mois du référendum de mai 1980, la crise se règle rapidement et les syndicats obtiennent quelques gains.
Par contre, la violence patronale du PQ s'étalera au grand jour lors des « négociations » de 1982-1983. La formule est connue : 2e sommet économique lors duquel le gouvernement décrète la nécessité de réduire les dépenses de 700 millions ; la « solution » est sur la table : couper drastiquement dans les services publics ou s’attaquer à la rémunération dans le secteur public. Les syndicats refusent ce jeu de dupes et la suite sera brutale : loi 70 (baisse de salaire de 20 %) et loi 105 (suspension du droit de grève et conditions de travail décrétées) ; les enseignants et les enseignantes sont les seulEs à défier les lois et poursuivent la grève, ce qui leur vaudra la méga-loi matraque 111. Cette législation est une première au Québec : congédiements sans appel, pertes d’ancienneté et pertes de salaire, suspension de la Charte des droits et libertés. Il est bon de souligner que l’avocat-conseil du gouvernement durant ce conflit était… Lucien Bouchard (nous reviendrons plus loin sur cet infâme personnage). Ce sera la fin de la ronde de « négociations », le début d'une lente agonie du mouvement syndical et le dernier clou dans le cercueil du PQ dit social-démocrate...
Avant de quitter le pouvoir en 1985, le PQ fait adopter la loi 37 qui introduit la notion de « services essentiels » dans les services publics et de décrets lors des négociations patronales-syndicales.
Le PQ parti néolibéral
Dans la deuxième partie des années 1980, le PQ est en période de reconstruction et se cherche une nouvelle identité tant au niveau social qu'au niveau de la question nationale. Jacques Parizeau prend les commandes en 1988 et, avec l'aide de Bernard Landry, réussit à faire accepter le concept de libre-échange avec les États-Unis par les instances du parti. Il ne faut pas oublier que le « libre-échange » de Reagan et Mulroney est basé sur les privatisations et les déréglementations. Même le Parti libéral du Canada est opposé à cet accord !
Le deuxième gouvernement Bourassa (1985-1994) a passé près d'une décennie à démolir les programmes sociaux, que ce soit la santé, l'aide sociale ou l'éducation (on n'a qu'à penser au dégel massif des frais de scolarité de 1990 ou à la loi 37 sur la sécurité du revenu). Lorsque Parizeau reprend le pouvoir en 1994, la tenue d'un référendum sur la souveraineté est la priorité du nouveau gouvernement, les politiques sociales passant au second rang. D'ailleurs, au printemps 1995, la Fédération des femmes du Québec (FFQ) organise la marche Du pain et des roses vers Québec. Devant le parlement, Parizeau prend la parole devant quelques milliers de personnes. Il y annonce plein de belles choses comme une hausse importante du salaire minimum pour aider les femmes et tutti quanti. Une fois le référendum passé, les belles promesses s'envolent...
Après l'échec du référendum de 1995 et la démission de Parizeau, le PQ accueille un nouveau messie qui officialisera le virage à droite du PQ : Lucien Bouchard, ex-avocat patronal et ex-ministre conservateur. Non seulement le gouvernement Bouchard ne reviendra pas sur les dommages causés par les politiques de coupures des années Bourassa, mais il accentuera le processus de façon importante, se mettant au diapason des politiques économiques conservatrices appliquées depuis quinze ans un peu partout en Occident.
Le mot d'ordre des marchés financiers et du patronat est « d'assainir » les finances publiques, d'enrayer les dettes publiques et d'éliminer les déficits. Au fédéral, le gouvernement Chrétien a déjà commencé à sabrer des milliards dans les programmes et les transferts aux provinces (la réforme Axworthy) quand le gouvernement péquiste entame une longue série de rencontres de « concertation » en vue d'un « partenariat social » avec le patronat et les directions syndicales. La grand-messe péquiste atteindra son apogée avec le Sommet socio-économique de l'automne 1996, lors duquel sera consacré le Déficit zéro (qui deviendra une loi) et tout ce qui en découlera : coupures généralisées dans les programmes sociaux, accentuation du virage ambulatoire en santé, régime de terreur contre les personnes assistées sociales (on multipliera les mesures d'employabilité, les pénalités et les « emplois » forcés), élimination de postes dans la fonction publique, hausse drastique des frais de scolarité, etc. Les chiffres sont accablants : de 1996 à 1999, plus de 5 milliards en dépenses sont éliminés tandis que 50 000 emplois disparaissent dans la fonction publique (en comparaison, entre 1992 et 1995, les libéraux avaient « seulement » supprimé 8 000 emplois).
Certains regroupements sociaux et communautaires qui avaient accepté de jouer le jeu de la concertation vont se retirer de la table avant l'entente finale : on pense ici à la FFQ, au Front d'action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et à la FECQ-FEUQ. Au même moment, la seule mesure importante de cette opération scie mécanique qui sera contestée et battue est le dégel des frais de scolarité décrété par la ministre de l'Éducation Pauline Marois. Cette lutte victorieuse menée par le Mouvement pour le droit à l'éducation (MDE) soulignera d'autant plus l'échec de la stratégie des dirigeants syndicaux et leur trahison envers leurs membres.
Dans la foulée de ces mesures d'austérité, la Fédération des infirmières et infirmiers du Québec (FIIQ) déclenche une grève en 1999 pour améliorer, entre autres, les conditions salariales de ses membres. Le gouvernement Bouchard donne une autre job de bras à la très ambitieuse ministre de la Santé Pauline Marois, qui dépose la loi 72, législation spéciale de retour au travail. Cette mesure est inspirée de la loi 160 de 1986 qui limite le droit de grève dans le secteur de la santé. Les sanctions sont sauvages : pénalités monétaires aux individus, aux dirigeants syndicaux, au syndicat ou à la centrale syndicale encourageant la grève, possibilité de dommages et intérêts si un recours collectif a lieu, fin de la saisie des cotisations syndicales sur les salaires pendant douze semaines suivant la grève pour chaque jour de grève et perte de deux jours de salaire par jour de grève !
Quinze ans plus tard, les conséquences du Déficit zéro se font toujours sentir dans les services publics et les gouvernements successifs ont institutionnalisé cette pratique de charcuter les programmes sociaux et les conditions des travailleurs et travailleuses. Dorénavant, nul besoin d'évoquer la mauvaise situation des finances publiques pour appauvrir la population, pour livrer les travailleurs et travailleuses et les sans-emploi à l'appétit vorace des entreprises, pour réduire les conditions de travail et pour privatiser les services : ce n'est même plus idéologique, l'État est un véhicule au service du capitalisme.
D'ailleurs, au printemps 2001, le gouvernement de Bernard Landry accueille à bras ouverts l'élite politico-financière du continent lors du Sommet des Amériques à Québec. Il appuie fortement la mise sur pied d'une zone de libre-échange à la grandeur des Amériques, outil par excellence de la mondialisation économique sauvage. Il se félicite aussi de la construction d'un mur autour du sommet et de la répression policière massive.
Le PQ de Pauline Marois
Pauline Marois prend le contrôle du PQ en 2007 par acclamation. Ce couronnement survient après deux tentatives manquées lors de précédentes courses à la chefferie. Dès son arrivée, elle impose son programme en remettant en question la social-démocratie (encore !), en reportant aux calendes grecques un référendum sur la souveraineté et en expulsant certains clubs politiques du parti comme le SPQ-libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre). Il ne faut pas être surpris de ses prises de positions : Marois déclarait en 2002 qu'il fallait « recentrer l’État, confier plus de responsabilités aux décideurs du privé et faire davantage confiance aux individus » ; et en 2010 qu'il fallait que « l’enrichissement individuel supplante l’enrichissement collectif dans le domaine du développement économique ».
Le PQ de Marois réunit toutes les tares de ses prédécesseurs : l'autoritarisme de Lévesque, le conservatisme économique de Bouchard, l'élitisme de Parizeau et l'ambiguïté cultivée de Pierre-Marc Johnson. Comme les autres chefs du PQ dans l'opposition ou en campagne électorale, elle fait des promesses de réformes, comme distribuer la richesse et instaurer une fiscalité plus progressiste. En 2012, les contorsions de Marois atteignent un sommet inégalé, que ce soit lors de la grève étudiante et de la crise sociale ou depuis son accession au pouvoir à l'automne dernier. Embourbé dans un opportunisme puant et un électoralisme primaire, le PQ de Marois perpétue la tradition de la trahison et celle du copinage avec le patronat national et international. Le budget Marceau et les autres mesures annoncées ne peuvent être plus claires : elles sont régressives, néolibérales, antisociales et anti-écologiques. Quelques exemples : le refus d'abandonner la taxe-santé, l'appui à l'accord Canada-Europe, le feu vert à l'exploitation du pétrole dans le Saint-Laurent, le refus d'améliorer les prestations d'aide sociale... et l'obsession du déficit zéro !
Le vrai visage du PQ est connu de beaucoup de gens, mais malheureusement plusieurs ferment encore les yeux volontairement et refusent d'accepter un constat pourtant évident : le PQ est un parti bourgeois, patronal, capitaliste et usé à la corde. Il est destiné aux poubelles de l'histoire et il vit sur du temps emprunté. Combien de promesses brisées, de coups bas et de trahisons faudra-t-il pour qu'il disparaisse définitivement de notre vue ? Le PQ représente bien l'échec de notre système politique et économique, système qu'il a jadis souhaité réformer. Malheureusement, d'autres prétendent encore pouvoir changer ce capitalisme libéral parlementaire en créant des partis politiques dits progressistes... On leur conseille de lire cette brochure attentivement.
L'économie sociale : le capitalisme communautaire
Les organismes communautaires, coopératives et OSBL en tout genre qui alimentent « l’économie sociale » ont connu un essor considérable durant les deux mandats du PQ de 1994 à 2003. Le PQ de l’ère post-référendaire et déficitaire a bien compris tout le potentiel « beau, bon, pas cher » de l’économie sociale. Le sommet économique de l’automne 1996 apportera d’ailleurs la consécration de tout ce qui s’approche de l’économie sociale dans la Belle Province. Le secteur de la santé et des services sociaux a été particulièrement visé alors que qu’on a développé à la chaîne des entreprises d’économie sociale en aide à domicile. Durant la même période, des milliers d’infirmièrEs et d’employéEs du réseau public étaient mis à pied…
Dans les faits, les organismes communautaires et les coopératives existent depuis toujours. Mais leur importance économique aurait doublé depuis vingt ans. On parle aujourd’hui de 7 000 organisations et 125 000 emplois. Ces organismes ont un chiffre d’affaires d’environ 18 milliards $, soit 5 % du PIB du Québec !
On parle d’économie différente, de rentabilité sociale… Dans les faits, on fait beaucoup d’économie sur le dos des femmes : elles en composent 80 % de la main-d’œuvre ! Syndicalisation quasi inexistante, salaire de crève-faim, temps partiel et précarité… Un beau ghetto de misère !
Il est sidérant de constater le parallèle entre le développement fulgurant de l’économie sociale au Québec… et la baisse du nombre de personnes bénéficiant de l’aide sociale. Durant la même période, leur nombre est passé de 820 000 à 400 000. On a scrappé le programme pendant que l’industrie des services (fast food et autres commerces ouverts 24 h/24 h) a aussi explosé. Mais on ne peut exclure l’importance du développement de l’économie sociale dans cette réduction officielle du nombre de personnes à l’aide sociale. On pourrait s’en réjouir… si ce n’était du ghetto de pauvreté qu’on a créé. Lorsqu’on ne travaille pas, on risque d’être pauvre, mais quand on travaille et qu’on est pauvre, là on se fait fourrer d’aplomb ! Seulement à Montréal, plus de 150 000 personnes ont recours aux différentes banques alimentaires, dont près de 20 % sont des adultes qui ont un emploi !
La pensée magique de l’économie sociale à grande échelle a également poussé de nombreux groupes communautaires à s’éloigner de leur mission pour développer toutes sortes d’activités à visées économiques. On assiste au déploiement du communautaire commercial…
Le PQ a imposé une bonne dose de somnifères au mouvement associatif en stimulant ainsi l’économie sociale. Cette situation a certes donné un coup de main à l’économie capitaliste du Québec. Mais dans les faits, depuis vingt ans, on vit en partie sur le dos de cette nouvelle classe de lumpenprolétariat enrôlé dans ce tiers secteur (ou secteur mou) qu’est l’économie sociale. Une autre bonne idée du PQ !
Les portes tournantes : l’avant et l’après des ostie de crosseurs péquistes
L’expression « portes tournantes » réfère habituellement au processus par lequel des acteurs du monde politique vont et viennent entre des postes de service dans le domaine public et des rôles d’influence ou de privilège dans l’industrie privée. On peut également élargir le concept aux sphères d’influence académique et médiatique. Les grosses têtes du capitalisme nationaleux à la sauce PQ ne sont évidemment pas étrangères au phénomène.
André Boisclair
Avant même que le récent « scandale du retour d’ascenseur » ne plonge Pauline 1 dans l’embarras, les accointances privées du Golden Boy déchu avaient de quoi éveiller les soupçons. Nommé ministre de l’Environnement dans les dernières heures du gouvernement Landry, il abandonne sa députation après la défaite du PQ en 2003 pour poursuivre des études en administration publique à Harvard. Il réapparaît un an plus tard pour annoncer sa candidature à la chefferie du PQ, poste qu’il décroche à l’été 2006. En octobre de la même année, le nouveau chef s’oppose à une résolution adoptée par la base de son propre parti visant à nationaliser la filière éolienne, proposition qu’il considère « trop audacieuse ». Il ne manque pourtant pas d’audace lui-même puisque, après sa pathétique déconfiture à la tête du PQ, Boisclair n’a eu aucun scrupule à aller bosser pour l'entreprise Questerre Energy en tant que « conseiller en relation publique » afin de vanter les mérites de l’exploration et de l’exploitation gazière privée au Québec… Pas étonnant : Boisclair avait déjà déclaré vouloir « soulager le capital » et faire du Québec « l'endroit au monde où le capital est le mieux accueilli possible ». Avec le PQ de retour au pouvoir, voilà-t-y pas que Dédé est à nouveau catapulté dans la « fonction publique » en tant que délégué général du Québec à New York...
Bernard Landry
Mononc' Landry, l’intello, le prof et l’avocat, n’a jamais caché sa préoccupation pour la « prospérité économique », c'est-à-dire pour le capital. Diplômé en économie de l'Université de Montréal, il détient aussi un diplôme en économie et finance de l'Institut d'études politiques de Paris, où René Lévesque lui-même l’a envoyé faire ses devoirs dans les années 1970. Ce dernier le nomme ministre d'État au Développement économique dès 1977. Il cumule plus tard les postes de ministre délégué au Commerce extérieur, ministre des Relations internationales et ministre des Finances. Lorsqu’il succède à Lucien Bouchard à la tête du PQ et comme premier ministre du Québec en 2001, il poursuit sans broncher l’entreprise de réingénierie de faible intensité entamée par son prédécesseur. En juin 2005, le capitaine quitte le navire en perdition, retourne à la pratique privée et décroche un poste douillet à la Chaire Raoul-Dandurand en études stratégiques et diplomatiques, un think tank universitaire pas-trop-critique de l’agression canadienne en Afghanistan. Il devient la même année animateur-commentateur… au Canal Argent de Québecor.
Lucien Bouchard
L’éminence vert-de-gris de l’aile droite nationaleuse présente un parcours politique pour le moins tortueux. En tant qu’avocat au privé (surtout patronal), il reçoit plusieurs jobs du gouvernement du Québec au cours des années 1970 et 1980, avant d’être catapulté au poste d’ambassadeur du Canada en France par son copain Brian Mulroney en 1985. Il rejoint d’ailleurs le gouvernement progressiste-conservateur trois ans plus tard. Il démissionne en 1990 pour siéger aux Communes en tant que député indépendant, avant de fonder le Bloc québécois avec un assortiment de députés démissionnaires conservateurs et libéraux du Québec. Après six ans de chicaneries à Ottawa et un référendum foireux, Bouchard remplace Jacques Parizeau à la gouverne du PQ en 1996. Il met alors en veilleuse le projet d’indépendance nationale et s’attelle à la tâche de décâlisser l’État providence à grands coups de chainsaw, et ce, afin d’atteindre le fameux « déficit zéro » si cher à la droite. Il laisse son poste à Bernard Landry en 2001 pour retourner à la pratique privée dans un cabinet de big shots en Californie. Il siège en même temps aux conseils d'administration de plusieurs sociétés privées. En 2005, Bouchard et 11 apôtres de la réingénierie publient le Manifeste pour un Québec lucide, qui explique essentiellement aux QuébécoiSEs qu’ils et elles sont une gang de traîne-savates sans cœur et que la fin du monde va leur péter à la gueule s'ils et elles ne suivent pas à la lettre chacune des prescriptions des soi-disant lucides. Tout le Québec à droite du centre vient dans ses culottes. Depuis, Bouchard ressort du placard épisodiquement pour répéter la même rengaine et grogner contre ce qu'il qualifie de « groupes de pression », c'est-à-dire la gauche. En 2011, Bouchard remplace André Caillé comme président du conseil d'administration de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) dans le but explicite de « faire comprendre » à la population (perçue comme trop ignorante) l’importance de développer cette filière énergétique... Faut croire que dans l'échelle des valeurs du curé Bouchard, il y a des « groupes de pression » moins diaboliques que d'autres.
Jacques Parizeau
Autre ténor nationaleux à tendance fortement économiste, gros bourge de bonne famille, Môssieur Parizeau est entre autres diplômé des Hautes études commerciales de Montréal (HEC) et docteur de la London School of Economics. Il a été conseiller économique dans plusieurs gouvernements successifs avant la création du PQ. Professeur aux HEC de 1955 à 1976, Parizeau est notamment derrière la création de la Société générale de financement (SGF) et de la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) dans les années 1960. Quand le PQ remporte le pouvoir en 1976, Parizeau est immédiatement nommé ministre des Finances, poste qu'il occupe toujours lorsqu'il claque la porte du Conseil des ministres en 1984. Il retourne direct aux HEC. Il remplace Pierre-Marc Johnson à la tête du PQ quatre ans plus tard et ronge son frein six autres années avant de gagner les élections générales et de devenir premier ministre en 1994. Il organise immédiatement le référendum sur la souveraineté et se pète magistralement les dents dans le windshield le 30 octobre 1995, dans un éclat éthylique et peu glorieux de commentaires racistes, après quoi il quitte le navire. Depuis, le Môssieur, vaguement gâteux, sort sporadiquement des boules à mites pour éructer des propos décousus dont tout le monde se câlisse éperdument. Ce qui n'empêche pas les nationaleux de lui booker des conférences plates courues par d'autres dinosaures de la même farine.
François Legault
Titulaire d'une maîtrise en administration des affaires de l'École des HEC de Montréal, Legault est d'abord et avant tout un comptable agréé, notamment chez Provigo. Mais pas n'importe quel comptable, oh que non : un comptable qui a soif de pouvoir et qui veut voir sa face dans le journal... coûte que coûte. En 1986, il essaie sans succès de s'approprier Québécair, récemment privatisée par Québec. Échaudé par son échec, il s'acoquine avec d'autres capitalistes pour créer Air Transat, dont il reste PDG jusqu'en 1997 et où il fait fortune. Il fait le saut en politique en 1998 avec Lulu, qui le nomme ministre de l'Éducation malgré sa flagrante inexpérience en la matière. Propulsé à l'opposition en 2003 (où il grenouille dans son parti pour devenir chef), fidèle au discours économiste de droite, Legault n'a qu'une seule cassette à l'Assemblée nationale : l'équilibre budgétaire. Triste baboune de ne pas avoir eu la faveur de son parti pour le diriger, Legault « quitte la vie politique » en 2009... pour y revenir immédiatement sous la bannière de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ), une patente à gosses créée de toutes pièces avec l'argent du capitaliste québécois Charles Sirois. On connaît la suite : la cassette du tout à l'économie. Comptable un jour, comptable toujours. Il a partiellement eu ce qu'il voulait : sa tête d'insignifiant tous les jours dans le journal. Malheureusement, il n'a pas fini de nous écœurer...
Louise Harel
[Fait méconnu : à titre de vice-présidente de l'Union générale des étudiants du Québec, Louise Harel s'est impliquée dans un important mouvement de grève étudiante en octobre 1968. Songez-y.] Licenciée de droit, grosse tête du PQ de 1981 à 2008, Harel est une politicienne de carrière. Dans le sens qu'elle ne sait vraiment rien faire d'autre. Elle a piloté plusieurs ministères et occupé de nombreux postes clés au fil des années, notamment dans le dossier catastrophique des fusions municipales. Sans grande surprise, elle « quitte la vie politique » en 2008... pour faire le saut en politique municipale en 2009. Elle siège actuellement comme chef de l'opposition officielle à l'hôtel de ville de Montréal, à la tête du péquisant parti Vision Montréal.
Guy Chevrette
Prof et syndicaliste, Chevrette est du premier gouvernement péquiste. Il reste dans le décor jusqu'en 2002, notamment aux ministères du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, des Affaires sociales, du Développement des régions, des Ressources naturelles et de la Faune et des Parcs. Il lâche son poste de député de Joliette en 2002, mais le gouvernement Landry continue de lui donner des jobines. Dans un exemple classique de porte tournante, de 2005 à 2010 Chevrette sert farouchement les intérêts du patronat en tant que PDG du Conseil de l'industrie forestière du Québec.
Jacques Brassard
Député de Lac-Saint-Jean de 1976 à 2002 et plusieurs fois ministre dans les gouvernements du PQ, notamment des Ressources naturelles sous Lulu, Jacques Brassard sévit, depuis son départ de la politique active, sur Internet et dans les journaux comme moyen bozo réactionnaire, notamment en niant catégoriquement l'existence du réchauffement climatique. Il a tenu une chronique dans Le Quotidien de Chicoutimi de 2003 à 2009, où il s'est évertué à chier des bouettes sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un discours écologiste. Il a aussi ouvertement claironné son petit faible pour George W. Bush et sa croisade impérialiste (« Il y a d'un côté, le fascisme islamiste et tous ceux qui le tolèrent par lâcheté ou par idéologie ; et de l'autre, il y a, comme tout au long du XXe siècle, le camp de la liberté avec, heureusement, l'Amérique à sa tête ») et considère qu'« Israël est un bastion avancé de l’Occident en terre ennemie ». Il déteste ouvertement la gauche et les syndicats. Pas étonnant que le Journal de Québec lui ait généreusement offert une chronique régulière, qu'il honore depuis janvier 2012.
Joseph Facal
Truculent bourge à bouche en cul de poule, Joseph Facal est titulaire d'une maîtrise en science politique de l'Université de Montréal et d'un doctorat en sociologie de la prestigieuse Sorbonne. Député péquiste à Laval de 1994 à 2003, il occupe plusieurs postes, entre autres en matière de réduction de l'État. En 2002, il est nommé président du Conseil du trésor et ministre d’État à l’Administration et à la Fonction publique, où il présente un plan « d'allègement des structures gouvernementales et d’assouplissement des politiques de gestion ». Après la défaite du PQ en 2003, il décroche un poste de professeur agrégé aux HEC, signe le Manifeste pour un Québec lulucide en 2005, et rebondit un peu partout à la télé, à la radio, dans le journal Les Affaires et dans le Journal de Montréal. La cassette néolibérale est jammée sur repeat : réduction de l'État et application généralisée du principe utilisateur-payeur dans les services publics.
1 http://www.lapresse.ca/actualites/quebec-canada/Politiquequebecoise/2012...
Québec Inc. et ses petits
L’expression Québec Inc. provient de Jacques Parizeau 1, un premier ministre et ministre des Finances qui a eu une influence notoire sur le développement du capitalisme québécois. En effet, il a joué un rôle important dans la création du Fonds de solidarité de la FTQ (FSF), dans la Caisse de dépôt et placement (CDP) du Québec, dans la nationalisation d’Hydro-Québec et dans la mise en place du Régime de rentes du Québec (RRQ), de la Société générale de Financement (SGF, alors qu'il était dans le cabinet de Jean Lesage) et du Régime épargne-actions du Québec. Ces structures constituent l’ossature qui a permis le développement d’un capitalisme proprement québécois. Pire, ce capitalisme a non seulement servi à saper les révoltes contre le capitalisme anglophone « General Motors / Canadian Tire », mais continue encore à justifier un capitalisme soi-disant tolérable. Commençons par aborder les structures de liaison au capital des partis politiques, pour ensuite parler de Québec Inc. en tant que stratégie de légitimation du « capitalisme des PME franco-québécoises » à la sauce péquiste. Si on peut se permettre d’être trop long, c’est que l’État québécois est le plus gros employeur au Québec, un des plus grands financiers de l’élite québécoise et, de façon générale, l’ennemi à abattre si on veut abolir le capitalisme au Québec.
Élections, pièges à con !
Quoi qu’on en dise, on ne peut pas simplement fonder un parti politique pour obtenir de l’influence dans la société. Un nouveau parti doit incarner des idées déjà présentes dans la société, mais qui ne sont pas portées par les partis déjà en place, il doit avoir des bases géographiques et être capable d’acquérir suffisamment de forces politiques et monétaires pour obtenir une visibilité comparable à celle des autres partis. Rappelons-nous un peu l’histoire québécoise en retraçant la trajectoire du PQ.
Le PQ émerge dans la tourmente des années 1970. La couverture médiatique obtenue par le Regroupement pour l’indépendance du Québec (RIN), le Mouvement souveraineté-association (MSA) et le Front de libération du Québec (FLQ) mettent la table pour la diffusion des idées propres au parti. En effet, à cette époque, le RIN regroupe 14 000 membres et le MSA, 7 300 et, déjà en 1963, ce qui deviendra le FLQ attaquait des casernes militaires, des banques, l'Université McGill et des riches maisons de Westmount avec des actions de haute envergure et déclarait que « l'indépendance du Québec n'est possible que par la révolution sociale ». Il était impossible d'ignorer les fortes tensions sociales au Québec à cette époque. De fortes bases géographiques permettent au parti de s’implanter dans quatre circonscriptions et d’y rester jusqu’à ce que l’occasion politique se présente en 1976, lorsque les dépassements de coûts des Jeux olympiques et les conflits de travail au chantier de la Baie-James défraient l'actualité. Toutefois, pour « plaire aux masses », le parti ramollit sa position et annonce qu’il tiendra un référendum sur la souveraineté du Québec au lieu de juste « partir ». De plus, pour obtenir la « victoire » en 1976, le PQ met beaucoup d’eau dans son vin et ramollit considérablement son discours face aux entreprises. Du programme de 1973, visant à « établir un système économique éliminant toute forme d’exploitation des travailleurs 2 », on est passé à un programme avantage compatible avec l’industrie, voulant « humaniser la vie au travail, rendre réalisable la syndicalisation de tous les travailleurs 3 ». Ainsi, avant même de prendre le pouvoir, le parti devient entièrement compatible avec l’exploitation capitaliste. Mais pourquoi, historiquement, de la CAQ à l’ADQ, en passant par le succès (peut-être) à venir de QS, les partis politiques deviennent-ils systématiquement les organes d’une certaine bourgeoisie ?
Premièrement, regardons la composition des militants et militantes des partis politiques et les tensions qui s’y trouvent. Il y a plus ou moins 164 000 membres de partis politiques au Québec 4, lesquels militent habituellement aussi pour l’organisation. C’est donc l’équivalent de la population de la ville de Sherbrooke qui décide de comment on va toutes et tous se faire crosser pendant les quatre prochaines années. L'engagement politique dans un parti est toutefois bien différent de l'engagement dans un quelconque groupe politique. En effet, élection après élection, le parti adapte son programme en fonction des gens qui votent pour celui-ci. Il ne travaille que dans la prospective : « qu'est-ce que l'on pourrait faire si on est élus ? », plutôt que « quelles sont les actions qui peuvent être prises pour aider les gens actuellement ? » Pire, il ne tente que de se représenter ce que les électeurs et électrices veulent. Ainsi, il n’est jamais question d’éduquer la population aux enjeux qui la touchent et encore moins d'organiser collectivement les victimes du système, comme c'est le cas au sein des groupes communautaires, des syndicats ou des groupes de femmes. C’est ainsi que les partis aliènent les gens qui désirent améliorer concrètement leurs conditions d’existence, et cette tendance se radicalise de plus en plus à mesure qu'un parti prend de l'importance. Cela explique entre autres pourquoi le PLQ ou le PQ sont représentés par une majorité d'individus ayant leur principale expérience professionnelle en tant que président, propriétaire, directeur ou administrateur 5, et si peu de syndicalistes, de militantEs et de gens issus des groupes communautaires.
L'État est représenté dans les médias comme une instance de gestion économique et qui crée donc des partis à son image : des partis de gestionnaires, d'administrateurs et de propriétaires. Ils doivent opérer dans une politique spectaculaire : il faut que leur message soit compréhensible en trois phrases et on tient pour acquis que les médias grand public assurent leur rôle social d’information. Ainsi, dans un contexte où la désinformation semble criante, on prend position en fonction de ce que l'on pense susceptible d’être populaire, dans le but de s'attirer des votes, sans perspective critique sur les « conceptions populaires », qui sont trop souvent celles de TVA.
Alors, lorsqu’une nouvelle idéologie se met à défendre une portion d’intérêts spécifiques et mobilise de nombreux militants et militantes, il y a là une occasion économique propre qui est dégagée pour une nouvelle classe de personnes d’affaires, qui vont manœuvrer pour faire valoir leurs intérêts spécifiques à l’intérieur de la structure de parti. C’est pourquoi, lorsqu’on observe la politique à froid, en comparant les programmes politiques d'une élection à l'autre, on voit se développer dans les partis de gauche des tendances de plus en plus centristes, au fur et à mesure que le parti grappille des places au sein du pouvoir.
Le Québec Inc.
La première partie permet de comprendre comment l’idéologie du Québec Inc. a pu être en gestation au sein du PQ. Ainsi, dès les années 1970, le PQ possède une large base de militantes et militants, un électorat potentiel, un axe politique propre. On voit comment les employeurs francophones sont à même de se reconnaître au sein du PQ, surtout ceux qui luttent dans contre les entreprises canadiennes (entre autres, Provigo, le mouvement Desjardins 6, etc.). Toutefois, le Québec Inc., avant même d’avoir trouvé son nom, est préfiguré dans la Révolution tranquille, lorsque Jean Lesage affirme : « Si nous refusions de nous servir de notre État, par crainte ou préjugé, nous nous priverions alors de ce qui est peut-être l’unique recours qui nous reste pour survivre comme minorité. 7 » Ainsi, le nationalisme économique est essentiellement justifié par la nécessité d’une autodétermination linguistique. Déjà, les capitalistes francophones peuvent voir dans les politiques libérales les éléments d’une critique des bourgeoisies rivales, mais il faut aller plus loin : il faut s’attaquer aussi aux élites économiques anglophones montréalaises, qui sont représentées par le Parti libéral 8.
Ainsi, on peut voir comment les gens d’affaires francophones ont trouvé dans le PQ une excellente occasion de se faire une place au sein d’un groupe dominant de la société. Pour ce faire, il fallait une idée plus générale que « plus d’argent pour les entreprises québécoises » pour justifier le déversement massif de fonds publics dans les poches des entreprises : il fallait un masque de transparence et de justice. C’est le vernis de la technocratisation des investissements publics qui fut élaboré à cet effet, en utilisant la CDP, Investissement Québec (IQ), le RRQ et, plus tard, le FSF 9 pour investir dans les entreprises d’ici. On fournit les routes, les ports et l’électricité (par le biais d’Hydro-Québec, de Transport Québec, de la Société des traversiers du Québec, etc.) pour transférer à la population en général les coûts des entreprises 10. Simplement avec IQ, on fait passer au moins 1 % des revenus de l'État dans les poches des entreprises 11, dans des programmes de création d'emploi, d'incitation à l'entrepreneurship, etc. Ainsi, tout est géré par des professionnels et on peut nous présenter le Québec Inc. comme « des gestionnaires qualifiés visant une maximisation du capital d'affaires québécois » plutôt que comme des « crosseurs à cravate qui pellettent les fonds publics dans la cour des riches ».
Avec cette structure technocratique, on élabore des critères, on établit des indicateurs et, en général, on s’assure que les entreprises reçoivent en fonction de leur contribution à la création d’emploi. Évidemment, on a depuis longtemps abandonné, revu ou cessé d’appliquer le principe de « permettre » la syndicalisation de tous et toutes et les PME sont devenues, dans les années 1990, le moteur de l’économie québécoise. Cela était juste et bon pour le PQ des entreprises diversifiées émergèrent des craques du plancher pour combler le manque d’emplois dans les régions et, du même coup, on justifiait un capitalisme à petite échelle, relativement inoffensif, lié à des secteurs « niches 12 ».
Alors, le parti devient l’exécuteur des désirs d’une bourgeoisie particulière, avec une idéologie économique propre. Le parti peut ainsi continuer sa mission, à grand renfort financier provenant d’entreprises qui bénéficient du soutien financier de l'État. Ainsi, en partant de l’idée de l’indépendance du Québec, on se retrouve avec du nationalisme économique qui parle de référendum.
Mais quelles sont leurs justifications ?
Le PQ, face à ce tournant, a tôt fait de trouver des chantres idéologiques pour justifier sa position face aux entreprises. On pense tout de suite à l'Institut économique de Montréal (IEDM) ou à des économistes véreux. Toutefois, la stratégie qui semble de plus en plus dominante est de donner des informations secondaires, sur des sujets reliés, en laissant au soin du lecteur de faire les liens. Ainsi, c'est souvent même dans les débats en science humaine que l'on rencontre la droite.
Par exemple, Fernand Braudel est un cheval de Troie idéologique. Il a approfondi la compréhension de l’histoire du capitalisme, mais en statuant sur des débats sociologiques beaucoup plus profonds sans trop se justifier. Ainsi, pour lui, il est important de dire qu’une classe capitaliste marchande (ce qu’on appelle les marchands) existe préalablement à la classe capitaliste négociante (ce qu’on appelle les capitalistes). Pour lui, le fait que les marchands du Moyen Âge étaient à même de tirer un profit de leurs échanges signifiait qu’ils étaient dans le même statut de domination que les capitalistes, qui, eux, tiraient un profit de l’achat de la force de travail pour la revendre plus cher.
Évidemment, on s’en foutrait si ce n'était qu’un débat d’historiens marxistes des années 1970 sur le statut des marchands dans les sociétés féodales. Toutefois, il semble qu’avec la montée d’un anticapitalisme global, on tende à sortir des boules à mites le concept de capitaliste marchand 13 pour justifier les PME en général 14. Ainsi, on donne aux idéologues du PQ la capacité de récupérer le terme « anticapitaliste » 15. Le problème évident avec toutes ces théories, c’est que les petites entreprises deviennent grandes, et ce n’est pas le gouvernement qui intervient pour empêcher l’exploitation de s’y produire, mais bien les travailleurs et travailleuses. Bien peu de choses changent au fait que l’on exploite et que la croissance économique nécessaire et soutenue par le système capitaliste va détruire la planète. On n'offre aucune alternative au développement : que du développement à plus petite échelle et plus décentralisé.
1 http://www.iedm.org/fr/3010-quebec-inc-must-embrace-globalization-incest...
2 PQ, programme de 1973, http://pq.org/sites/default/files/Programme1973.pdf, p. 10.
3 PQ, programme de 1975, http://pq.org/sites/default/files/Programme1975.pdf, p. 19.
4 Chiffres du PQ, du PLQ, de l’ADQ et de QS.
5 Recherche faite à partir des sites des partis, en n’utilisant que les députés élus, tableau de données disponible sur demande.
6 Il faut noter que le mouvement coopératif Desjardins n’est pas coopératif jusqu’au sommet. À la base ce sont des caisses d’économie locales, qui furent essentiellement gérées par des bénévoles jusque dans les années 1940, par assemblées générales. Des années 1920 à 1940, les caisses se
regroupent en unions régionales qui visent à structurer leurs avoirs sur une base régionale, jusqu’à la création d’une fédération pan-québécoise. À partir de ce moment, les acquisitions se multiplient et les services d’assurance-prêt, d’assurance-vie et d’assurance générale se développent. Ainsi, une gestion capitaliste
centralisée des avoirs collectifs des membres des caisses locales est rendue possible. Il est à noter que, tout comme les partis politiques, les caisses Desjardins n’ont pas évolué hors de tout contexte. Lorsque les caisses se sont mises à posséder des millions de dollars, elles ont attiré de plus en plus de gens intéressés à gérer les fonds, de manière plus ou moins intéressée, si bien que la lente évolution du mouvement ne semble qu’une adaptation du crédit communautaire à la société capitaliste. Voir, pour l'évolution des années 1940 à 2000 :
http://www.desjardins.com/fr/a_propos/profil/histoire/caisse/
7 Cité dans FOURNIER, Pierre, Le parti québécois et la conjoncture économique au Québec, p.10, en ligne à http://classiques.uqac.ca/contemporains/fournier_pierre/PQ_conjoncture_e...
8 À titre d’exemple, après son règne comme premier ministre, Lesage a siégé aux conseils d’administration d’Unilever, de Montreal Trust Co. (devenu ScotiaBank) et de nombreuses autres
entreprises anglophones.
9 Le Fonds de solidarité FTQ est apparu en 1983 dans le but de créer des emplois locaux, en réaction aux délocalisations qui avaient déjà commencé avant le début des années 1990. Pour plus de détails, voir : http://classiques.uqac.ca/contemporains/fournier_louis/solidarite_inc/so...
10 Pour plus de détails concernant l’utilisation d’Hydro-Québec pour le financement de l’industrie, voir : http://www.livresquebecois.com/livre.asp?id=obfyjupeyug&/mauvais-couts-d...
11 Voir http://www.investquebec.com/documents/fr/publications/RASGF_2011_FR.pdf ; on compte ainsi 554 millions en crédits d'impôt, et 120 millions en « Contribution financière non remboursable », pour 670 M sur un budget de 66 G. Toutefois, il faudrait analyser beaucoup plus en profondeur le fonctionnement de l'organisme pour voir les formes de financement indirect.
12 Par exemple, les services informatiques ou, à Montréal très particulièrement, la traduction, avec l’avènement de la loi 101. De plus, de nombreuses entreprises émergent du retard d’implantation des chaînes américaines et canadiennes au Québec - Couche-Tard et Buroplus, par exemple.
13 http://www.ledevoir.com/societe/le-devoir-dephilo/359755/le-capitalisme-...
14 Voir à ce sujet la pléthore de lectures indigestes de l’auteur : http://www.puq.ca/auteurs/pierreandre-julien-203.html
15 On peut voir la filiation à : http://pq.org/actualite/communiques/pauline_marois_presente_les_membres_...