La loi mammouth C-38 imposée par le Parti conservateur inclut la réforme de la Loi sur l'assurance-emploi, qui est entrée en vigueur au mois de janvier. Cette réforme touche tous les travailleurs et toutes les travailleuses, mais attaque surtout de plein fouet les travailleurs et travailleuses temporaires, saisonniers/saisonnières et précaires, qui verront leurs conditions de travail se dégrader parce qu'ils et elles utilisent plus souvent l'assurance-emploi. Le gouvernement conservateur, fidèle à ses politiques de droite qui ne profitent qu'aux capitalistes, s'en prend donc encore aux plus précaires et laisse entendre que les gens qui sont au chômage trop longtemps à son goût sont des profiteurs du système. Il veut nous laisser croire que la réforme sert seulement à aider les honnêtes gens à se trouver un travail, tout en nous protégeant des fraudeurs et fraudeuses qui gaspillent nos impôts.
Un des points majeurs de la réforme est le changement dans la définition d'un travail « convenable »1. La réforme stipule que, pour les travailleurs et travailleuses qui demandent souvent des prestations à l'assurance-emploi, un emploi convenable deviendra, après sept semaines de prestations, un travail payé à 70 % de leur ancien salaire, même si celui-ci n'est pas dans leur domaine et peut se trouver à une heure de transport de la maison. Ainsi, grâce à la réforme, une personne qui reçoit des prestations d'assurance-chômage ne pourra plus refuser ces emplois dits convenables, car elle se fera couper ses allocations. Pour les personnes qui ont des emplois temporaires, précaires ou saisonniers, cela veut dire que les critères des emplois qu'elles seront obligées d'accepter pourront baisser chaque fois qu'elles perdront leur emploi. Elles risquent donc fort de se retrouver avec des conditions de travail de moins en moins bonnes et des salaires de plus en plus bas, qu’elles devront accepter pour survivre, et se retrouveront prises dans un cercle vicieux. Cela aura aussi un effet sur tous les emplois, car les employeurEs ne se gêneront certainement pas pour profiter du fait que les travailleurs et travailleuses sont obligéEs d'accepter des emplois de moins en moins bien payés et perdent ainsi une partie du rapport de force qu'ils et elles ont face aux patronNEs.
De plus, les bénéficiaires de l'assurance-emploi seront beaucoup plus surveilléEs par l'État. En effet, ils et elles devront présenter de plus en plus de preuves qu'ils et elles se cherchent un emploi et passent des entrevues2. Le gouvernement a aussi créé Alerte-emploi, qui envoie aux chômeurs et chômeuses des annonces pour les emplois dits convenables à leur cas particulier. À première vue, ça peut avoir l'air d'une façon d'aider les gens à se trouver un travail, mais comme les gens sont plutôt obligés de s'abonner à ce programme d'emplois convenables pour eux, cela devient aussi un outil de contrôle, parce que le gouvernement saura qui a reçu des annonces d'emplois convenables et n'a pas postulé. Pour ajouter à cela, des agentEs de l'assurance-emploi font maintenant des visites à domicile pour convoquer les chômeurs et chômeuses à des entrevues, un autre moyen de mettre de la pression sur les gens. Remarquons que même le syndicat de ces agentEs dénonce ces visites3 parce qu'il a peur que des gens s'en prennent à eux (ça serait tellement dommage !). Aussi, malgré le fait que la ministre des Ressources humaines, Diane Finley4, ait toujours essayé de le nier, les agentEs ont maintenant des quotas, ou plutôt des « objectifs », selon la ministre, de 485 000 $ chacunE par année à récupérer en coupant les chômeurs et chômeuses « non méritantEs ».
Pour faire mieux passer sa réforme, le gouvernement se justifie donc en disant qu'il s'attaque aux gens qui profitent du système ou qui le fraudent et que ce seront eux qui seront coupés. Nous ne devons pas tomber dans ce piège et nous laisser séparer entre personnes qui « méritent » l'assurance-chômage et celles qui ne le « méritent » pas. Même si, à terme, nous aspirons à abolir le travail salarié, d'ici à ce que nous ayons réussi à transformer radicalement et durablement les rapports économiques, tout le monde mérite un emploi avec un salaire et des conditions de travail décents. Ce que le gouvernement fait, ce sont des menaces économiques pour les personnes qui ne veulent pas accepter des emplois sous-payés avec de mauvaises conditions.
Notre gouvernement se comporte comme une compagnie d'assurance avec les travailleurs et travailleuses, alors que l'assurance-emploi est un droit et un service à la population. Pendant des années, entre 1992 et 2007, les contributions au programme d'assurance-emploi ont été largement supérieures aux prestations, ce qui a permis à Ottawa de dégager d'énormes surplus de 57 milliards de dollars en 15 ans. Pourtant, en 2010, Harper nous apprenait que la caisse de l'assurance-emploi allait accumuler un déficit de 15 milliards au cours des trois années suivantes. Mais où donc sont passés tous ces milliards ? À partir de 1997, les surplus de l'assurance-emploi ont été détournés pour rembourser une partie de la dette publique de l'État. Cette dette « publique » acquise par des dépenses de dizaines de milliards pour acheter des avions et des bateaux de guerre, pour bâtir toujours plus de prisons pour enfermer les pauvres ou pour financer les banques en « crise »... Cette dilapidation des fonds de la caisse de l'assurance-chômage fut en réalité un gigantesque détournement de fonds ; on a ainsi littéralement volé les travailleurs et travailleuses !
Par ailleurs, fait étrange, en 2009 Harper a gelé les cotisations à l'assurance-emploi.
Puis, à peine un an plus tard, son gouvernement a sonné l'alarme dans les médias quant à l'anticipation du déficit de 15 milliards de dollars au cours des trois années suivantes... Et en 2013 est venue sa réforme et les compressions... Cela ressemble étrangement à un massacre planifié d'un programme visant à aider les travailleurs et travailleuses les plus précaires.
Plusieurs manifestations syndicales ont eu lieu cet hiver pour dénoncer cette réforme, surtout dans l’est du pays, où les travailleurs et travailleuses saisonniers/saisonnières, les pêcheurs et pêcheuses et les travailleurs et travailleuses de la forêt, notamment, sont nombreux et nombreuses. Nous devons poursuivre la lutte contre ces nouvelles mesures annoncées par le gouvernement Harper. Mais il ne faut pas oublier que le système capitaliste sera toujours au service du patronat et trouvera sans cesse des moyens pour pousser plus loin l'exploitation de la population. Si l'on veut que l'exploitation cesse, il faut nous débarrasser de ce système !
N.B. : Oubliez ce que vous venez de lire, c'est juste de la propagande syndicale, c'est Harper qui l'a dit5 !
Notes :
1 http://bit.ly/ZJTSeI
2 http://bit.ly/Zgo8OH
3 http://bit.ly/YeD9fF
4 http://bit.ly/XUR0f7
5 http://bit.ly/XUM2Pz