Au cours des dernières semaines, plusieurs nous ont demandé pourquoi nous ne profitions pas du Forum social mondial (FSM) pour diffuser nos idées. Pourquoi la CLAC n’organise-t-elle pas un événement dans le cadre du FSM ? Pour la CLAC, le principal problème du FSM est qu'il refuse toute prise de position politique, alors que nous croyons, au contraire, que dans un contexte où les gens sont incités à voter pour le « vrai » changement, il est nécessaire d'articuler clairement le type de société dans laquelle on désire vivre, et ce, afin d'avoir des bases concrètes sur lesquelles critiquer le système capitaliste actuel. De plus, pour s'assurer une bonne participation à un événement dans le cadre du FSM, il faut faire notre propre publicité, ce qui revient à faire de la publicité pour le forum. Et nous croyons que le FSM devrait se poser de sérieuses questions...
Qu’est-ce que le FSM ?
Le premier FSM a été organisé en 2001 à Porto Alegre, au Brésil, à l'initiative de mouvements sociaux du Sud, notamment les Zapatistes au Mexique, en réponse au Forum économique de Davos et dans le contexte d'une vague de résistance à la mondialisation marquée par les sommets de Seattle (1999) et de Québec (2001). On se souvient que ces sommets ont mené à des confrontations massives avec les forces de l'ordre, révélant l’importance de la coordination des résistances. Rapidement, toutefois, le FSM a exclu un des groupes fondateurs, les Zapatistes1, sous prétexte qu'il s'agit d'un groupe armé. C'est précisément la stratégie contre-insurectionnelle utilisée depuis les années 1970, qui vise à diviser les groupes contestataires en isolant les radicaux et en accordant de minimes concessions aux autres. Cette stratégie est toujours nuisible : elle facilite et justifie la répression envers ceux et celles qui sont le plus marginalisé-e-s et, réduisant ainsi d'autant la capacité de négociation de ceux et celles qui revendique auprès du gouvernement. Le FSM, c'est l'exemple typique de la trahison du mouvement altermondialiste par les ONG et les gouvernements sud-américains soit-disant socialistes. C'est pourquoi, des anarchistes et d'autres ont organisé plusieurs campements autogérés en parallèle du FSM, tradition qui s'est transportée au Québec avec les campement autogérés jusqu'en 2007. Depuis, avec la perte de vitesse des gouvernements socialistes d'Amérique latine, les forum sociaux sont sortis de l'Amérique du Sud et parcourent désormais le monde.
Et les participantes et participants ?
C'est ainsi qu'au cours de ses 15 années d'existence, le FSM a établi sa clientèle-cible dans les grandes ONG, les centrales et fédérations syndicales, ainsi que les grandes associations citoyennes, aux dépens des populations locales. Ces organisations visent des changements sur des enjeux spécifiques sans remettre en cause le système économique à la source des misères et de l'exploitation. Pourtant, la majorité des organisateur-trice-s des forums sociaux ont souvent des perspectives politiques plus radicales que ces organisations dont il-elle-s finissent par faire la promotion, laissant dans l'ombre les groupes et collectifs participants.
En plus, sans une critique de la hiérarchie, le FSM se retrouve à faire défiler des stars de l'activisme, des directeur-trice-s d'organisation, des gestionnaires de mouvements, qui eux « organisent des milliers de travailleur-euse-s ». Nous nous opposons directement à cette approche, puisque nous souhaitons que chacun et chacune puissent contrôler leur vie et décentraliser le pouvoir afin d'éviter la corruption, le corporatisme et, finalement, la reproduction d'institutions similaires à celles que nous voulons renverser. Une telle approche crée une mise en scène de la résistance valorisant les chef-fe-s et les dirigeant-e-s, ce qui invisibilise une énorme partie du travail accompli par la base (fréquemment les femmes et personnes racisées) et projette une image de la prise d'action politique comme inaccessible au commun des mortels.
Alors, on fait quoi ?
On peut prendre appui sur le FSM pour continuer et élargir la lutte contre le capitalisme. Certes, discuter et apprendre des luttes des autres, c'est bien, mais c'est encore mieux de joindre l'utile à l'agréable en allant rendre visite à ceux qui nous appauvrissent. Nous avons toujours appuyés les groupes en résistance qui luttent contre le grand capital du Nord, ici comme ailleurs. Serez-vous des nôtres ?