Le sous-investissement chronique volontaire dans le transport en commun a créé une opportunité économique: il devient possible de mettre en place un système de transport qui vise à faire des profits, en parallèle d’un système de transport à but non lucratif, la STM.1 En effet, la CDPQ a mis en place un modèle particulier pour le REM, regroupant des investissement provinciaux, fédéraux et de la CDPQ-Infra. À cela s’ajoute une redevance sur les constructions périphériques au projet. En effet, puisque la mise en place de transport collectif amène la construction de nouvelles infrastructures à ses abords, les agrandissement et constructions à 1km des stations sont soumises à une redevance qui vient financer le projet.2 Pour le dire clairement, le REM a pour but assez explicite de chasser les pauvres d’autour de ses stations futures pour faire des tours à condos. La construction bat déjà son plein: près d’un million de mètres-carrés de nouveaux édifices sont en construction.3 Évidemment, les promoteurs sont aux aguets et visent à rapidement esquiver ces redevances sur les stations dont l’endroit n’est pas encore connu.4 Toutefois, il était prévu qu’il y ait six fois plus de redevances sur 50 ans. Avec la perte de population que vit Montréal avec la hausse du télétravail, ce n’est pas demain la veille que ces redevances seront obtenues.
Cette structure de financement vient d’une entente avec l’ARTM, un organisme à but non-lucratif qui encadre les autres structures de transport de Montréal. Ainsi, c’est l’ARTM qui récolte les fonds lorsque l’on achète une carte Opus, et qui les redonnent sous forme d’entente de service aux différentes organisations, que ce soit la STM ou les trains de banlieue. Ainsi, l’ARTM a signé un contrat de 99 ans avec le REM s’engageant à payer un montant de 72 sous par passager·ère par kilomètre au dessous d’un certain nombre de passager·ère-kilomètre5 , soit près de trois fois le taux versés à la STM6 avant la COVID.
Dans tous les cas, les tarifs offerts au REM sont outranciers pour deux raisons supplémentaires. Premièrement, il s’agit d’un service de transport pleinement automatisé. Il ne se compare pas au service actuel de la STM qui comprend aussi des autobus et du transport adapté, qui sont plus dispendieux, mais beaucoup plus adaptés aux besoins de la population. La STM demeurera en charge de gérer le transport en autobus aux abords des stations du REM. Deuxièmement, dans la structure de prix de l’ARTM, les populations qui résident autour du métro existant, beaucoup plus démunies que celles de l’ouest de l’île, payeront 3.50$ pour un service qui coute 25 sous du km. Au contraire, les populations de l’ouest de l’île, payeront le même prix pour un service qui coûte 72 sous du km. Ainsi, si un jour on revient à la situation normale, puisque le voyage en transport en commun moyen est de 7km, chaque transport dans le REM coûte 5.10$ contre 1.75$ pour un transport en métro. Donc les pauvres subventionnent les riches, en donnant un petit extra à la CDPQ-Infra et aux gouvernements.
Toutefois, dans le contexte de la COVID, les états financiers de l’ARTM de 2020 rapportaient une perte de plus de 50% de ses revenus tarifaires pour la période et une perte d’achalandage de près de 66%. Dans ce contexte, ce sera la CDPQ-Infra qui essuiera la majorité des pertes et on n’est pas surpris que le premier train du REM soit prévu pour l’automne 2022. On peut déjà prédire que ce sera après les élections, avec les annonces de dépassement de coûts et d’une surenchère d’investissements pour permettre une rentabilité à terme... si ce n’est pas l’abandon du projet ou de nous refiler la facture.
Notes:
1. La CDPQ-Infra rapporte un partage des revenus 28-36-36 entre respectivement la CDPQ-Infra et les gouvernements provinciaux et fédéraux (https://rem.info/sites/default/files/document/Rapport-due-diligence-VF.pdf).
2. Il y a même une loi votée à cet égard par le gouvernement provincial: https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/rc/A-33.3,%20r.%202
3. https://www.lapresse.ca/affaires/2021-09-09/rem/les-redevances-depassent...
4. https://www.lapresse.ca/affaires/2019-11-11/rem-des-travaux-de-875-milli...
5. C’est beaucoup plus que la STM avant la COVID.
6. La STM rapporte près de 3 milliards de passager·ères kilomètres en 2017 (https://www.stm.info/sites/default/files/media/doc/2018/obl-vertes_ges_a...) alors qu’elle se fait verser 714 millions par l’ARTM, soit près de 25 sous du kilomètre-passager·ère. Pour l’année 2020, la STM a reçu 1,3 milliards (https://www.artm.quebec/wp-content/uploads/2021/05/Rapport-annuel_2020.pdf), pour à peu près 1,35 milliards par kilomètre-passager·ère, soit près de 0,95 sous du kilomètre-passager·ère (https://www.stm.info/sites/default/files/pdf/fr/ra2020.pdf).