Ça aura pris de la peinture rose sur des gilets pare-balles pour qu'on parle enfin de la résistance à l'impérialisme au soi-disant Canada

crédit photo André Querry

C’est bien plus que les fenêtres du palais des congrès qui ont éclaté vendredi soir passé: c’est en fait le consensus national sur l’impérialisme canadien qui vient de tomber. Parce que les médias ne prenaient même plus la peine de couvrir les dizaines de manifestations de plus de 10 000 personnes, une grève de près de 100 000 étudiant·e·s en opposition à l’OTAN et en solidarité avec la Palestine ou encore les nombreuses actions directes, le monde entier pouvait encore penser que la population canadienne était derrière Justin. D’une seule manifestation, le voile est tombé: ce ne sont que les coups de matraque, les arrestations, la manipulation médiatique et la droitisation des partis politiques qui camouflent l'opposition de la vaste majorité de la population au génocide à Gaza (qui dure depuis bien avant octobre 2023, soit dit en passant).

C’est dans ce contexte que l’on peut comprendre les débordements de vendredi soir. Depuis la fin des campements, les médias laissent deux options aux camarades: soit vous cassez des choses, soit vous passez inaperçu. Tellement de manifestations ont été complètement ignorées. Même pendant le sommet de l’OTAN: la seule dont les médias ont parlé est celle qui s’est attaquée au sacro-saint mobilier urbain. Pourtant nous avons dénombré au moins quatre autres manifestations.

De la même façon, ce qui a été réservé aux personnes qui tentent d’agir de manière autonome pour visibiliser les enjeux et exprimer leur opposition, par exemple en bloquant les chemins de fer, en visitant les bureaux de députés ou les compagnies qui participent activement à la production d’armes pour le génocide, est encore une fois la violence et le mépris. Même les campements les plus pacifiques ont été démantelés par la police. Loin d’endiguer le problème, il est normal que la sourde oreille des élites politiques et la répression excessive fassent monter la colère et l'indignation chez les manifestant·e·s. C’est ce qui explique que l’opportunité politique ait été saisie si vivement par les manifestant·e·s vendredi dernier.

Car il s'agit bien d'une opportunité qui a été saisie. Nous respectons toute la diversité des tactiques utilisées lors de nos manifestations et bien que l'on n'ait rien à voir avec l'organisation de la casse de vendredi, nous saluons la détermination des camarades qui ont pris des risques judiciaires importants pour faire tomber le masque de la paix sociale. Ce ne sont pas des fenêtres au hasard qui ont été ciblées. Les détruire était un geste politique pertinent et nécessaire vu le contexte politique. Et on emmerde les pseudo-journalistes de mauvaise foi qui répètent en boucle que de tels actes "ne servent pas la cause" tout en braquant leurs caméras sur les morceaux de verre brisés pendant que des immeubles s'écroulent sous les bombes.

crédit photo André Querry

Ainsi, nous ne considérons pas la destruction politique de biens privés comme de la violence. Du moins elle n'a rien à voir comparée à la violence systémique et génocidaire que les empires déploient chaque jour pour tenir le pouvoir populaire en échec. Les vitres du palais des congrès n'ont pas eu mal, elles n’ont pas pleuré, elles ont déjà été remplacées. La Mercedes incendiée est un symbole de la division de classes qui fait rage dans notre société, un bien de luxe que la vaste majorité ne pourra jamais se payer. Les vêtements des policiers aspergés de substance rose n'ont pas eu à être consolés, ils ont aussi été nettoyés. La seule violence dans les rues ce vendredi soir était la violence étatique, celle de la police envers les manifestant·e·s. Les mouvements de libération ont historiquement toujours utilisé des moyens que les dominants et leurs sbires qualifient de "violents". Les mouvements révolutionnaires actuels s'inspirent des luttes passées et les seuls qui ont raison de les craindre sont les élites capitalistes et leurs chiens de garde.

De toute façon, tous les discours qui visent à minimiser l’importance de la résistance anticapitaliste ne servent qu’à ramener l’imaginaire du consensus national autour de l’impérialisme canadien, de la multiplication des investissements militaires et de l’industrie militaire canadienne. On blâme les immigrant·e·s, avec le discours de Poilièvre qui appelle à des expulsions et déportations. Ou encore on assume que l’on est antisémite, en tentant de nous amalgamer avec l’extrême-droite que l’on combat. Ou finalement on minimise les gestes en disant que les "casseuses" sont une minorité bien connue des policiers, qui n'ont pas l'appui du reste des manifestant·e·s.

Le discours comme quoi ce sont des "casseurs professionnels infiltrés" qui n'ont rien à voir avec la cause, ne prend pas en compte les contraintes qui encouragent les manifestant·e·s à agir de la sorte et que le principal vecteur de radicalisation à Montréal, c'est la violence du SPVM. Il est vrai que des professionnels infiltrent nos manifestations et il sont bien armés, bien entraînés et ordonnés, ils portent un uniforme où est inscrit "servir et protéger". Tous ces discours ne servent qu’à délégitimer et dire qu’il n’y a pas d’opposition crédible au génocide à Gaza. Eh bien, ça fait 20 ans qu’on s’oppose à l’État et au capital, et on n'est pas près de s’en aller. Tant que ce système injuste restera en place, nous nous y opposerons avec force! Et cette colère est légitime!

Tenez-vous le pour dit: nous ne sommes pas les seules. Des collectifs de partout poussent en opposition au génocide, au capitalisme, au colonialisme, préfigurant une société nouvelle où la démocratie part du bas vers le haut, où l’on tente de ne pas reproduire les hiérarchies malsaines liées au cishétéropatriarcat, au capitalisme, au capacitisme et au racisme, où la domination et l'exploitation n'ont plus leur place. Aux grandes ou petites organisations où l’on travaille partout pareil et produit le malheur à la chaîne, on oppose un réseau décentralisé, ancré dans son écosystème naturel, basé sur les intérêts, les besoins et les désirs de toustes et chacun·e·s. À la mort à grande échelle pour faire survivre les industries, on oppose notre solidarité sans frontière envers tous les peuples opprimés. Partout le mouvement est électrisé de sa petite victoire: dans l'antre de la bête, on a enfin pu faire voir notre opposition à l’impérialisme canadien et au génocide à Gaza!

Longue vie à la résistance!

 

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