Il était une fois un despote qui après avoir brûlé les scientifiques de son pays voulait bouffer du syndicat…
Harper et ses conservateurs appliquent la théorie des petits pas : mesure par mesure, ils décrochent les quelques décorations que les réformistes avaient réussi à poser sur la niche du capitalisme. Les syndicats n’ont pas été trop échaudés lors de son arrivée en 2006, mais le gouvernement Harper se lâche lousse depuis sa victoire électorale de 2011. Tout y passe ou presque. Son dessein est maintenant de rendre tout à fait caduc le syndicalisme comme force politique significative. On pourrait bien se demander de quoi il a si peur, mais ça, c’est une autre histoire…
Évidemment, la démence de ce gouvernement n’est pas complètement sans raison. Sa cause : retirer toutes les embûches, aussi petites soient-elles, qui pourraient se trouver au travers du chemin des ostie de crosseurs capitalistes !
Ainsi, Harper et ses troupes accumulent les attaques. Il y a un an, plusieurs mesures antisyndicales ont été éparpillées dans le projet de loi omnibus C-4 qui portait sur le budget (sic). Ainsi, le droit de déterminer l’étendue des services essentiels pour les employé-e-s de l’État est donné exclusivement au ministre du Travail, ce qui revient pratiquement à éliminer le droit de grève. Les procédures pour le dépôt des griefs sont complexifiées et une panoplie d’autres mesures ont été ajoutées pour rendre la vie difficile aux syndicats dans la défense de leurs membres. Les Tories de Harper jouent également avec la santé et la sécurité des 800 000 travailleuses et travailleurs qui relèvent du Code canadien du travail en transférant également au ministre du Travail le pouvoir de décider ce qui constitue une tâche dangereuse ou non…
Les conservateurs utilisent aussi leurs députés d’arrière-ban pour diriger les attaques. C’est ainsi qu’a été déposé le projet de loi C-377 qui obligerait les syndicats à fournir au ministère du Revenu leurs états financiers et les détails de leurs fonds de grève. Cette obligation de transparence n’est imposée à aucune autre organisation au Canada, pas même aux compagnies ultra-financées par le gouvernement. Comme coup ciblé, on ne pourrait faire mieux. Un autre pantin d’arrière-ban, le conservateur albertain Blaine Calkins, a déposé le projet de loi C-525 qui ajoute des obstacles aux employé-e-s sous juridiction fédérale qui voudraient se syndiquer… tout en facilitant les procédures pour la désyndicalisation. Ces deux projets de loi devraient passer sans problème les étapes nécessaires à leur adoption.
Via une autre mesure budgétaire, le gouvernent abolit graduellement le crédit d’impôt fédéral pour le Fondaction de la CSN et le Fonds de solidarité de la FTQ. Ce qui n’est pas très surprenant. Ce privilège donné par Brian Mulroney à son grand ami Louis Laberge il y aura bientôt 30 ans était une sorte de cadeau empoisonné. On faisait ainsi entrer les syndicats dans la cour des grand$. Lorsqu’on gère une cagnotte de 10 milliards $, les obligations « de bonnes performances économiques » vont inévitablement vous menotter. Mais aujourd’hui, Harper et sa gang en ont soupé des privilèges donnés aux capitalistes syndicaux au détriment des capitalistes privés… Avec tous ses déboires mafieux, la FTQ est bien mal placée pour ameuter les troupes sur ce qui lui arrive !
En plus de toutes ces mesures antisyndicales, le gouvernement Harper poursuit dans le chemin tracé par les Libéraux en s’attaquant au peu qu’il reste du programme de l’assurance-emploi.
Les forces syndicales
Les syndicats promettent de faire la guerre à Steven Harper et son gouvernement d’ici les élections prévues en 2015. Ils ont toutes les raisons pour la faire, mais peut-on les prendre au sérieux ? Les conservateurs fantasment sur la situation américaine, où le mouvement syndical est réduit à une force négligeable, voire quasi inexistante, avec un taux de syndicalisation de 8 % dans le secteur privé. On pourrait croire que le gouvernement court après le trouble, mais il ne le trouvera pas…
Les syndicats vont comme d’habitude user des contestations judiciaires pour gagner du temps. Mais on peut douter de leur réelle capacité à mobiliser leurs troupes et à créer un rapport de force digne de ce nom. On ne pourra pas reprocher aux seuls syndicats la faible mobilisation de la classe ouvrière ici, comme partout en Occident. C’est dans l’air du temps. Mais le portrait des forces syndicales au Canada est tout de même désolant. On se rappellera la facilité avec laquelle le maire de Québec, Régis Labeaume, a mené sa campagne électorale sur le dos des organisations syndicales…
Dans le Canada anglais, une partie des syndicats du secteur privé a compris la gravité de la situation. La fusion, l’automne dernier, des Travailleurs canadiens de l’automobile et du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, a permis de créer « Unifor », une centrale de 300 000 membres. Un grand nombre de travailleuses et travailleurs œuvrent dans des secteurs qui relèvent du Code du travail fédéral (transport aérien et ferroviaire, médias, communications, etc.). Cette nouvelle unité, qui va positivement à l’encontre de la mode québécoise de la multiplication des centrales, ne sera évidemment pas une arme suffisante à elle seule.
Outre la diminution de services réellement utiles pour la population, l’extrême cure minceur imposée à Postes Canada aura aussi pour effet de briser les reins d’un des syndicats les plus puissants de l’histoire du secteur public au pays : le Syndicat des travailleurs et travailleuses des Postes.
L’unité syndicale entre le Québec et le reste du Canada a toujours été limitée aux politesses d’usage. Au Québec, le nationalisme larvé des grandes centrales conditionne plusieurs de leurs actions. La prochaine ronde de négociations dans le secteur public québécois prévue à l’automne s’annonce très difficile. La « crise » des finances publiques risque de mettre à dure épreuve le militantisme syndical.
Il est vrai que le syndicalisme se porte mieux au Canada que presque partout en Occident, avec un taux de syndicalisation avoisinant les 35 %. Mais cette position est toute relative et demeure fragile. Devant la croisade antisyndicale des conservateurs, la formule Rand tient encore le coup. Cette mesure qui permet le prélèvement à la source des cotisations favorise grandement le syndicalisme au Canada.
Les centrales syndicales canadiennes participeront sans doute activement à la grand-messe du Forum social des peuples prévue à Ottawa et Gatineau du 21 au 24 août prochain. Elles voudront s’en servir entre autres comme tremplin pour la mobilisation contre le gouvernement Harper. Souhaitons que ce soit réellement le cas et que cet événement, qui accaparera sûrement beaucoup de ressources, ne se limitera pas à une pitoyable séance d’applaudissements mutuels.
Il ne faut pas se faire d’illusions, Harper donne le frisson, mais il est en phase avec la crise économique, sociale et environnementale dans laquelle le capitalisme plonge toute la planète. Cette crise est bien réelle et, quel que soit le gouvernement en place au fédéral comme au provincial, l’offensive du capital n’est pas près de ralentir.
Fuck la « sacro-sainte » paix syndicale !
Fuck you Steven Harper, si l’enfer existait, on t’y enverrait !