Depuis plusieurs mois déjà - en fait depuis avril dernier ! -, nous nous faisons rincer les oreilles avec les éventuels candidats à la direction du Parti québécois (PQ). La course étant maintenant officiellement lancée, l'interminable supplice va se poursuivre jusqu'à la mi-mai. Misère ! C'est donc dire que depuis sa raclée électorale du 7 avril dernier, le PQ aura étalé son exercice d'auto-évaluation masochiste pendant plus d'un an. Cinq aspirants vont continuer de débattre de sujets cruciaux et brûlants d'actualité, tels l'échéancier référendaire et l'application de la loi 101 dans les cégeps... Le sixième candidat, le prince de Rosemont et ex-maoiste Jean-François Lisée, a préféré se retirer devant l'avance apparemment insurmontable de l'ex-trotskiste et milliardaire Pierre-Karl Péladeau (PKP).
Chronique d'un virage à droite annoncé
Le PQ a cumulé, au cours des cinquante dernières années, de multiples reculs, mensonges et trahisons. Bien qu'étant une coalition gauche-droite depuis ses tout débuts, l'aile « sociale » du parti prend le dessus sur la tendance libérale au tournant des années 1970, ce qui mènera aux réformes du premier mandat de 1976, considéré historiquement comme un grand rattrapage social, économique et politique. Mais dès 1977 (!), l'aile économique du parti s'impose et ne lâchera plus jamais le morceau. L'épisode le plus connu de l'application du programme patronal et capitaliste du PQ sera la série de lois spéciales et de mesures antisyndicales imposées lors des « négociations » de 1982-1983 avec les employéEs de l'État : baisse de salaire de 20 %, suspension du droit de grève, imposition de conditions de travail par décret, congédiements sans appel, perte d’ancienneté et suspension de la Charte des droits et libertés. Le départ de René Lévesque, en 1985, donnera le coup d'envoi à une longue série de couronnements de chefs, pour la plupart issus du milieu financier et patronal et campés à droite : depuis Pierre-Marc Johnson (récent négociateur en chef pour le Québec de l'accord de libre-échange Canada-Europe) en 1985 jusqu'à Pauline Marois en 2007, en passant par Lucien Bouchard (qui ne se rappelle pas les coupures sauvages sous prétexte du déficit zéro?) en 1996. 2015 ne devrait pas faire exception, avec l'arrivée d'un autre sauveur qui va amener les brebis vers la terre promise de l'Indépendance... en ayant fait avaler plusieurs couleuvres à ce qui reste de sociaux-démocrates au PQ. D'ailleurs, André Boisclair, lorsqu'il a pris la direction du parti en 2005, y a éliminé les « clubs politiques » internes, dont le SPQ libre (Syndicalistes et progressistes pour un Québec libre). Malgré cette purge, plusieurs soi-disant progressistes continuent à vivre dans le passé en idéalisant le fameux premier mandat de 1976 et en essayant de pousser la direction du parti à gauche. Leur dernière initiative est de présenter un candidat du « communautaire », Pierre Céré, pourtant éternel représentant de l'aile droite du mouvement des chômeurs et chômeuses et pour qui la solution aux reculs du régime d'assurance-emploi se limite au rapatriement du programme au Québec. Il est aussi l'auteur d'un « essai » paru en 2010 et intitulé Une gauche possible, dans lequel il livre sa profession de foi au capitalisme et en profite pour ridiculiser et insulter tous ceux et celles qui ne prônent pas le réformisme libéral.
Capitalisme identitaire
En excluant PKP, qui s'est trouvé subitement une envie de faire du « service public » après s'être fait la main en matant les syndicats, les trois autres candidats, tous diplômés d'écoles de commerce, de management ou de finances, ont été ministres dans l'éphémère gouvernement Marois de 2012-2014. Rappelons-nous quelques mesures et positions néolibérales et antisociales de ce court régime minoritaire : le refus d'abandonner la taxe-santé, l'appui à l'accord Canada-Europe, le feu vert à l'exploitation du pétrole dans le Saint-Laurent et au projet de renversement de la ligne 9 d'Enbridge, les coupes à l'aide sociale, le projet controversé d'assurance-autonomie, les compressions en éducation... et l'éternelle obsession du déficit zéro ! Martine Ouellet était ministre des Ressources naturelles et, malgré son passé de militante environnementale, nous a annoncé en 2014 que l'exploration pétrolière irait de l'avant sur l'île d'Anticosti. Il faut dire qu'elle a eu une longue carrière de cadre supérieur à Hydro-Québec... Bernard Drainville a, de son côté, défendu les politiques identitaires du PQ avec, principalement, la charte des valeurs xénophobes, exercice à haute teneur électoraliste. Alexandre Cloutier, pour sa part, était le ministre responsable de la « Gouvernance souverainiste », seconde carotte (après la charte) pour faire patienter les nationalistes pressés. La raison d'être du PQ a toujours été et reste l'accession du Québec à la souveraineté politique. Les politiques sociales et économiques du parti sont depuis longtemps subordonnées au profit de ce dogme ultime et le choix de l'idéologie néolibérale a été fait et assumé. Heureusement, le visage réel du PQ est connu de beaucoup de gens, mais malheureusement plusieurs ferment encore les yeux volontairement et refusent d'accepter un constat pourtant évident : le PQ est un parti bourgeois, patronal, capitaliste, usé à la corde et, depuis son virage identitaire, il est aussi intolérant. Il est destiné aux poubelles de l'histoire et il vit sur du temps emprunté. Le PQ représente bien l'échec de notre système politique et économique, système qu'il a jadis souhaité réformer. Contre toute attente, plusieurs acteurs importants, dont les centrales syndicales et une partie du mouvement communautaire, prétendent encore pouvoir changer ce parti de l'intérieur. On leur souhaite bonne chance avec leur futur chef ! CLACoon Francoeur