Tous les quatre ans, on nous envoie aux urnes pour remanier le cirque
des capitalistes en chef: quand le parti s'est trop fait prendre à piger dans les fonds publics, ses marionnettes vont se cacher dans les grandes firmes d'avocat de Montréal1, ou sinon, elles reviennent à la politique provinciale2, au mieux elles siègent aux CA des banques3. Ces pantins se présentent comme progressistes auprès des gens de gauche, et remettent leur chapeau de cowboy pour courtiser le public du Stampede: ils suivent les même chemins et font ce qu'il faut pour qu'on pense qu'ils sont de notre bord.
Qu'est-ce que ça prend pour être accepté dans le club: dix ou quinze ans dans l'opposition à dénoncer les abus évidents de ceux et celles au pouvoir, abus que l'opposition connaît très bien parce qu'elle se
prépare à en profiter aussi. Pendant ces quinze ans, il faut mettre sur la tablette l'activisme politique parce que le pouvoir ne vient qu'à ceux et celles qui disent ce que les médias veulent. Fini les nouvelles idées, vivement le cadre du débat: réduire le déficit, relancer l'économie et fournir des emplois aux familles. Il faut enterrer nos velléités subversives pour sombrer dans une perspective de court terme: du _duct tape_ qui dure jusqu'à la prochaine réélection, mais pas un pouce de plus. Qu'est-ce que ça peut faire que le réchauffement climatique cause des problèmes dans cent ans, tant que les pipelines apportent des jobs pendant cinq ans.
Plus on adopte ce cadre, plus on a la chance d'attirer des vedettes, des gens qui ont besoin de cet ascenseur social: les carriéristes qui n'ont pas l'argent ou le statut doivent commencer avec des partis plus jeunes. Ils et elles ont tous le même but, gagner, ce qui teinte la formation d'un discours très pragmatique, simple, acceptable, insipide et creux. Ils et elles sont tellement désespéré-e-s et pathétiques, qu'ils et elles ont lu des milliers de pages sur les mots qui apportent du succès sur Twitter et les utilisent en boucle.
Mais qu'y a-t-il à gagner? Est-ce que quelqu'un doute encore que bien des choses ont changé en France depuis l'élection de Hollande en 2012? Lui qui disait être l'ennemi de la finance avant son élection continue à appliquer les plans d'austérité. Et que dire de Syriza, qui promettait littéralement de socialiser l'économie dans ses discours pré-électoraux, et qui vend maintenant les aéroports publics aux Allemands? Ça fait 30 ans que la joke du gouverne-ment tourne et on se donne encore la peine d'aller faire la file pour avoir l'impression de s'être fait léser comme les autres?
Lorsque les structures sont trop éloignées de la population, tout le monde les ignorent, et le pouvoir le sait depuis trop longtemps. Lorsqu'on fait confiance au gouvernement, même pour gérer l'électricité,il augmente les prix pour en tirer des milliards année après année. On mérite mieux que ça. On peut vraiment changer les choses. Le changement vient de l'éducation, de la mobilisation, de l'engagement militant pour ce que l'on croit, de la construction collective de structures autonomes. L'automne sera l'occasion de luttes qui nécessitent beaucoup de solidarité, et il faut organiser nos vies pour s'occuper de politique, avant que la politique organise nos vies et s'occupe de nous: plus de travail, moins de temps libres, l'insécurité financière et l'absence de filet social. Voter, c'est abdiquer.
1. Comme Jean Chrétien qui a fini chez Dentons.
2. Comme Jean Charest, qui a fini chez McCarthy Tétrault.
3. Comme John Manley à la CIBC.