Quand on regarde une carte du monde, on voit que tous les territoires sont assignés à des États. Le côté idéologique de la chose ressort lorsqu’on pense au fait que ces cartes sont statiques, alors que la colonisation du territoire canadien, elle, est bien dynamique. Des pipelines aux barrages qui montent toujours plus au nord, une carte qui présenterait l’évolution des territoires effectivement occupés par les populations autochtones et les populations coloniales clouerait le bec à ceux et celles qui prétendent que le colonialisme est terminé.
Plus encore, ces lignes sont tracées comme si les frontières étaient toujours protégées avec la même force. Alors que d’un côté les investissements, les profits et les marchandises circulent, de l’autre, celles et ceux qui produisent ces richesses sont de plus en plus fortement clouéEs sur leur territoire d’origine par les restrictions d’immigration. On l’a dit 100 fois, plus les conditions de travail sont difficiles dans un pays donné, plus le travail est profitable aux riches et plus les mécanismes d’exclusion des pays privilégiés seront forts. Que l’on pense, par exemple, au mur de Trump ou aux nombreuses tragédies où des centaines de migrantEs ont perduEs la vie dans la Méditerranée à cause des contrôles maritimes de plus en plus fréquents. Ces mécaniques révoltantes ne cessent de se développer alors que les lignes sur les cartes restent les mêmes, neutres et froides.
Quand on pense, entre autres, au programme des travailleurs et travailleuses migrantEs temporaires, on se rend compte que ce n’est même pas leur position géographique qui importe, mais leur contrôle. Les gouvernements veulent contrôler qui travaille et désire qu'ilLEs puissent être renvoyéEs à tout moment, surtout sans toucher les dispendieux programmes sociaux des travailleurs et travailleuses du Nord. Les gouvernements et leurs comptables peuvent faire des compromis à savoir s'ils est plus rentable de déplacer un travailleur mexicain de 150 livres ou les tonnes de concombres qu'il cueillera durant l'été, tant que le travailleur rentre chez lui pour ne pas empocher notre précieuse assurance- chômage. La volonté de contrôle se manifeste aussi dans la construction de prisons migratoires, pour « accueillir » ceux et celles qui oseraient défier ce contrôle. Pour le maintenir, les gouvernements de nos pays « civilisés » sont prêts à enfermer des enfants dans leurs « centres de détention juvénile ».
Cet enfermement est directement enchevêtré aux autres mécaniques racistes : les personnes autochtones représentent 27% des personnes emprisonnées dans les prisons fédérales canadiennes, alors qu’elles représentent 5% de la population totale. Le racisme vécu localement et la domination économique internationale se complète dans un cercle vicieux aux dépens de ceux et celles qui produisent les richesses et n’en tirent rien.
Cette année, pour le premier mai, il est temps de mettre en action notre solidarité par des actions concrètes contre ceux et celles qui bénéficient de ce système d’injustice. Les constructeurs de prisons, les investisseurs des projets coloniaux et des minières canadiennes ont pignon sur rue, ici à Montréal. Nous sommes ceux et celles qui produisent la richesse par notre travail, rémunéré ou non, ici comme au Sud et il est grand temps que ces richesses servent à enfin améliorer nos conditions de vie ! C’est dans nos villes que se transigent des billets rouges du sang de la domination mondiale et du racisme. Ne soyons plus complices par notre passivité. Déchirons les cartes et les frontières, renversons les États et le capital qui les renforcent et faisons enfin fuir les policiers et les agents frontaliers qui les protègent.