Il y a une montée de l'extrême-droite au Québec depuis quelque temps et l'élection d'un gouvernement caquiste fait partie de cette vague. Sous le couvert de la "liberté d'expression", la classe politique ainsi que plusieurs journalistes, chroniqueurs et chroniqueuses répandent impunément des idées racistes, sexistes, homophobes et xénophobes, qui sont de plus en plus acceptées dans la population. Ce courant populiste se voit ici, aux États-Unis et un peu partout dans le monde. C'est l'ère de Trump, de Bolsanoro et de la CAQ. Le parti au pouvoir au Québec veut en effet faire passer des lois à caractère raciste et sexiste dans les prochaines semaines, par l'entremise de Simon Jolin-Barrette, le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (le nom de ce ministère est probablement supposé être ironique).
Cela fait plusieurs années que le débat sur les signes religieux et la laïcité de l'État fait rage au Québec. De la pseudo « crise » des accommodements raisonnables, à la Commission Bouchard-Taylor, de la Charte des valeurs du Parti Québécois, au projet du gouvernement actuel de faire passer le projet de loi 21 interdisant le port de signes religieux aux employéEs de l'État en position d'autorité, incluant les enseignantEs du primaire et du secondaire.
Selon le premier ministre Legault, il y a un consensus dans la société québécoise à propos de l'interdicition des signes religieux aux employéEs de l'État en position d'autorité. Il prend probablement ses statistiques à la même place que Trump. S'il y a des sondages non probabilistes qui disent que entre 60 et 70% de la population québécoise est pour l'interdiction des signes religieux, cela ne représente pas du tout un consensus. D'autant plus que beaucoup de gens qui répondent aux sondages par internet ne comprennent pas tant que ça les enjeux dont il est question parce qu'ils n'ont jamais prit le temps de se renseigner ou de parler avec quelqu'unE qui porte un signe religieux. La ministre de la Condition féminine Isabelle Charest en fait partie. Aussitôt qu'elle a obtenu son poste, elle a déclaré que porter le voile est un symbole d'oppression de la femme et que tous les signes religieux sont synonymes d'oppression, ajoutant que c'était contre ses valeurs. Le fait est que beaucoup de gens basent leur opinion sur cette question sur des préjugés propagés par les politiciens et les journalistes populistes. Avec la complicité des médias, le gouvernement fait tout pour désinformer la population.
L'interdiction des signes religieux que compte faire passer la CAQ est non seulement islamophobe, mais elle est aussi mysogyne parce que ce sont les femmes musulmanes qui seront les plus touchées par ces mesures. Ironiquement, les pourfendeurs paternalistes du port du voile veulent obliger les femmes à enlever leur voile parce qu'elles seraient supposément obligées de le porter. Ainsi, ce sera la CAQ qui forcera les femmes à s'habiller comme les islamophobes le décident.
La CAQ incluera une clause grand-père dans sa loi, ce qui signifie que les personnes qui portent des signes religieux qui sont déjà employées de l'État ne perdraient pas leur emploi si elles restent au même poste. Si cela peut soulager plusieurs personnes qui craignent de perdre leur emploi dans l'immédiat, cela hypothèque la liberté des prochaines générations à pratiquer la religion de leur choix à leur façon et empêche les personnes de changer de poste, comme d'accepter une promotion, car elles perdront leur droit acquis. Il faut aussi rapeller que quand la charte des valeurs du PQ était débattue au Québec, plusieurs agressions contre des femmes musulmanes avaient été rapportées. Si la loi de la CAQ passe, le risque est fort pour que les femmes qui béneficieront du droit acquis subissent des pressions et du harcèlement de la part de la société pour se plier à la loi.
De plus, la loi sur l'interdiction des signes religieux de la CAQ ne passe pas le test juridique, si elle passe au parlement, elle pourra facilement être contestée devant les tribunaux. Pour éviter cela, la CAQ veut inclure dans sa loi des dispositions pour pouvoir contourner la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte québécoise des droits et libertés (qui protège la liberté de culte). Ces chartes sont supposées protéger la population des abus racistes, qu'il soient posés par des individus ou par un gouvernement. Que la CAQ veuille les contourner consistue un dangereux précédent.
Un autre projet de loi de la CAQ, le projet de loi 9 : la "Loi visant à accroître la prospérité socio- économique du Québec et à répondre adéquatement aux besoins du marché du travail par une intégration réussie des personnes immigrantes" devrait être votée au parlement bientôt. Le ministre Jolin-Barette était tellement pressé d'appliquer sa loi qui vise à choisir des immigrantEs blancHEs, qui parlent français et qui partagent les valeurs québécoises,* qu'il a tenté d'annuler plus de 18 000 demandes de travailleurs et travailleuses qualifiéEs pour obtenir leur résidence permanente dès le mois de février. Les tribunaux ont dû lui rappeller qu'il ne pouvait pas commencer à tout détruire alors que sa loi est encore au stade de projet. Cela n'a donné qu'un sursis aux personnes qui ont fait ces demandes d'immigration, car, si cette loi passe, elles devront recommencer le processus. Ainsi, si le projet de loi est voté au parlement, les critères de sélection seront encore plus discriminatoires qu'avant et basés principalement sur les intérêts économiques des riches et des puissants.
Beaucoup de gens se sont levés pour protester contre les projets de loi xénophobes de la CAQ et comme le gouvernement n'aime pas se faire dire qu'il est raciste, le 26 mars dernier, l'Assemblée nationale a fait passer une motion, déposée par Jolin-Barette et des députéEs des trois autres partis, pour dire que c'est mal de les traiter de racistes. En voici un extrait : « Qu’elle réitère que la nation québécoise, historiquement bâtie sur une identité commune qui fait de nous des Québécois, accepte chaleureusement toute personne souhaitant s’y joindre, y participer et y ajouter son bagage et sa richesse culturelle; Qu’en ce sens, l’Assemblée nationale dénonce fermement les insinuations et les accusations dépeignant les Québécois dans leur ensemble comme un peuple intolérant, xénophobe ou raciste. » Cette motion dit le contraire de ce que disent les projets de loi de la CAQ, alors nous n'avons pas le choix de continuer de dire que le gouvernement est raciste et xénophobe, parce que c'est pas beau mentir, même s'il y a une motion.
Nous devons unir les forces antiracistes pour combattre le gouvernement de la CAQ et nous opposer à ces projets de lois racistes, sexistes et xénophobes qui, non seulement toucheront des dizaines de milliers de personnes, mais risquent en plus d'ouvrir la voie à de plus en plus de dérapages xénophobes.
* Ces valeurs québécoises, mentionnées maintes fois dans le texte du projet de loi, sont celles exprimées par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, celle-là même que la CAQ veut contourner pour faire passer sa loi sur les signes religieux !