8 mars 2016 ? Que me reste-t-il de ma détention à Laval deux ans après ? Toujours ce sentiment d'incompréhension, enfoui dans mes racines de migrante, attachée aux valeurs humaines de solidarité, de féminisme. J'ai encore cette plaie qui n'est pas encore cicatrisée, les images se déroulent dans ma tête comme un film avec le son des bottes des policiers, le bruit des menottes, la voix de la policière qui m'ordonne « mettez vos mains derrière votre dos », dans la voiture avec quatre policiers, les rues se défilent, je me souviens que je me demandais si les passants avaient un statut et je voulais leur voler leur liberté. Arrivée rue Saint-Antoine, au service de l'immigration, l'agent frontalier - je n'oublierai pas son visage et le décor de la cellule terne, triste, grosse lumière, avec son banc dur, bonjour le mal de dos ! La question qui tue : « Reconnaissez vous votre expulsion du Canada ? » « Non. » Qu'on me pose cette question le 8 mars, moment de lucidité ... pour moi.
Le centre de détention de Laval, gravé dans ma mémoire, avec ses fils barbelés, la neige qui couvrait le sol, le ciel bleu régnant en maître. Il faisait très froid, ces visages de femmes et de cette petite Hindoue qui me dévisageaient ... et pourtant nous avions les mêmes points communs !
Aujourd'hui, 8 mars 2016, mes pensées, ma solidarité, pour ces femmes, enfants détenues à Laval, emprisonnées dans les autres centres au Canada, et les survivantes de la jungle à Calais (France), les associations qui dénoncent la disparition d'enfants, au profit des réseaux mafieux. Le Canada qui souhaite la bienvenue aux 25 000 refugiéEs de la Syrie, la politique hypocrite qui met la tête dans le sable pour ses propres migrantEs sans statut, pas de soin de santé, pas d'école, pas de ressources, poursuiviEs par la police, dans la rue, à leur domicile, à l'école, dans les centres d'hébergements, souvent avec dénonciation, et certainEs emprisonnéEs depuis des années.
C'EST ÇA LA POLITIQUE IMMIGRATOIRE DES DIRIGEANTS DE CE MONDE, États- Unis, Canada, Europe, Australie, qui sont à la botte des grands capitalistes de ce monde et se permettent de donner des leçons aux pays émergents, pour piller leurs richesses, souvent africaines. Les Capitalistes qui ont des milliards pour faire la guerre, décident de l'économie de la planète, ayant pour objectif d'être cotés en Bourse avec de gros profits.
La marche et l'arrivée des réfugiéEs en Europe, la majorité sont de la Syrie, de l'Afghanistan, pays détruits par la guerre, ils s'embarquent sur des bateaux avec des passeurs malhonnêtes au péril de leur vie, déstabilisent l'Assemblée Européenne, les renvoient à leurs responsabilités de dirigeantEs, la France dénoncée par Amnistie Internationale, « les droits humains bafoués », l'Angleterre qui offre vingt millions d'Euros à la France pour prendre soin des migrantEs pour qu'ils et elles ne rentrent pas au Royaume-Uni, pourtant beaucoup de ces réfugiéEs veulent rejoindre leurs familles installées là-bas.
Oui ! Quatorze mois après, le goût amer de ma déportation coule toujours dans mes veines, arrachée à mes enfants, je suis traumatisée de cette expulsion, en colère, la peur au ventre de ne plus voir mes enfants, mes amiEs. Pour me forger de la force, je brandis la bannière de la lutte, car j'ai besoin de cette renaissance, de reconnaissance, pour retrouver ma dignité de femme libre, de militante, de mère. J'ai soif de revanche, de briser les frontières, de dénoncer cette politique immigratoire, raciste, qui gangrène la liberté de ceux, celles, qui courent vers un monde meilleur, avec le drapeau de la paix, de la liberté, de leur survie.
Entendez-vous les pleurs de ces enfants innocents qui ne jouent plus ? Qui ne rêvent plus ? Le 20 novembre 1989, la « convention des droits de l'enfant », votée et signée par les grands dirigeants de la planète, à l'unanimité, à l'ONU. En 2016, vingt-sept ans après, où en est le respect de cette convention La question reste entière ...
-Annekanelle.